Dimanche à Pékin. Chris Marker. France, 1956, 20 minutes.
En 1955 Chris Marker fait partie d’un voyage collectif en Chine organisé dans la mouvance du parti Communiste Français à l’occasion du VI° anniversaire de la République populaire. Il en ramène les images qui deviendront un court métrage qui lancera sa carrière de cinéaste. Dimanche à Pékin n’est pas son premier film. Quatre ans auparavant il a réalisé Olympia 52, sur les jeux olympiques, mais le film n’a pas été distribué. Quant à Les Statues meurent aussi, on sait le sort que lui réserva la censure. Dimanche à Pékin est donc le premier film de Marker qui trouve un public, en même temps que la reconnaissance d’un prix, celui du court métrage, et les éloges d’un jeune critique, François Truffaut.
Marker filme Pékin un dimanche et entièrement en extérieur. Il parcourt les rues, les places, les différents quartiers de la ville, des plus populaires aux plus modernes. Il organise son film comme le déroulement d’une journée, débutant dans les brumes du petit matin, le commentaire énonçant ensuite les différents moments filmés. Un dimanche comme les autres sans doute, où le cinéaste ne rencontre pas d’ouvriers au travail, mais plutôt des Chinoises et des Chinois dans des activités de loisirs, des activités physiques surtout, comme la gymnastique.
Les Chinois que Marker nous montre sont le plus souvent jeunes, souriants, décontractés. Les enfants sont étonnés par la caméra mais n’ont aucun mouvement de recul. Il lui adresse plutôt un regard de connivence. Le cinéaste semble ne pas rencontrer d’obstacle à son activité. Il s’efforce de montrer la ville dans sa diversité, proposant même parfois des images touristiques par leur pittoresque.
Tourné dans la Chine communiste, Dimanche à Pékin, n’est pourtant pas un film politique. La révolution n’y est évoquée qu’une fois, à travers un rapprochement assez curieux entre la lutte contre le capitalisme et la chasse aux mouches. En Chine, dit le commentaire, il y a encore des capitalistes, mais il n’y a plus de mouche ! Mao apparait à la tribune président le défilé de l’anniversaire de la révolution dans une image qui tient plus de la carte postale que de la vénération communiste. Dans la Chine d’avant la révolution culturelle il n’y a pas de mobilisation de masse !
Il ne faut pas voir Dimanche à Pékin avec le regard que nous pouvons porter sur la Chine aujourd’hui. S’il ne s’agit pas d’un film politique, il n’a pas non plus de prétention historique. Il propose simplement un regard personnel, certes inscrit dans un contexte particulier, mais ne revendiquant rien d’autre que la légitimité d’un point de vue de cinéaste. Ce point de vue, c’est ici, comme dans les films suivant de Marker, le commentaire qui est principalement chargé de le présenter. Un commentaire qui présente toutes les qualités littéraires qu’on reconnaît généralement à son auteur. Il n’est jamais redondant par rapport aux images. Il peut les expliquer parfois, mais il introduit le plus souvent une distance ironique par rapport à l’immédiateté des images. La première séquence du film est ainsi devenue une référence importante dans le cinéma de Marker. La caméra filme quelques objets hétéroclites sur une table. Puis, elle panote vers le haut pour découvrir la Tour Effel dans l’encadrement d’une fenêtre. Elle revient alors à l’intérieur de la pièce pour découvrir d’autres objets, plus nettement identifiables comme d’origine chinoise. Le commentaire donne le ton du film. Mais il définit aussi l’ensemble du projet cinématographique de Marquer ; « Rien n’est plus beau que Paris, sinon le souvenir de Paris. Et rien n’est plus beau que Pékin que le souvenir de Pékin. Et moi, à Paris, je me souviens de Pékin et je compte mes trésors. »
