Portrait de cinéaste. Cavalier Alain.

Cinéaste français (né en 1931)

L’itinéraire cinématographique d’Alain Cavalier est atypique dans le cinéma français. Là où d’aucuns n’ont fait des documentaires qu’en attendant de pouvoir réaliser des fictions, Cavalier lui a en quelque sorte abandonné la fiction, après un nombre non négligeable de films, pour se tourner vers le documentaire. Si l’on peut dire qu’il donne une place centrale au documentaire, c’est cependant en tant qu’il lui donne une forme cinématographique originale, qui n’est plus de la fiction au sens habituel du terme, mais qui n’est vraiment pas non plus du documentaire « classique ». Pour éviter toute confusion, et les débats stériles portant sur les genres, ne doit-on pas simplement affirmer qu’Alain Cavalier fait des films, des films qui sont de véritables créations de forme et de sens.

         La « marque » de l’évolution professionnelle d’Alain Cavalier est l’abandon progressif du travail cinématographique dit professionnel, c’est-à-dire tel que pratiqué par la profession, ce qui implique une équipe nombreuse au niveau technique, un nombre important d’acteurs et de figurants, avec si possible des vedettes, et un budget important dans le cadre qu’une production elle aussi professionnelle. Certes, on ne peut pas pour autant considérer le travail de Cavalier comme étant « amateur ». Il reste cinéaste à part entière, tout au long de son œuvre. et de toute façon la distribution de ses films, en salle et en éditions DVD, s’inscrit bien dans le circuit de la profession.

         Déjà, dans la série des Portraits, l’équipe avec qui Cavalier travaille est réduite. Mais l’aboutissement de cette démarche sera d’en arriver à filmer seul, et à ne filmer que soi, ce qui est rendu possible par l’apparition des caméras vidéo. Mais se passer de tout concours technique n’est pas qu’un choix économique. C’est une position artistique cohérente avec le projet autobiographique que le cinéaste développe à partir de 1978 avec Ce Répondeur ne prend pas de message, projet qui trouvera sa pleine expression après le passage par la démarche plus nettement documentaire des Portraits, en 1996 avec La Rencontre et en 2005 avec Le Filmeur. Cette évolution peut-elle être considérée comme achevé avec Irène, ce retour 30 ans après sur l’évènement sans doute fondamental de la vie du cinéaste, la mort accidentelle de sa compagne ? Il est bien difficile de l’affirmer tant que l’œuvre de Cavalier n’est pas achevée. Toujours est-il que le film qu’il réalise après Irène, Pater, sans revenir à la « grosse production », marque le retour à l’utilisation d’acteurs dans le film, même si Cavalier lui-même occupe un rôle dans cette pseudo fiction – ou pseudo documentaire.

Alain Cavalier n’a sans doute pas été l’inventeur du terme « filmeur ». Mais il est celui qui lui a donné sa notoriété. Il en a légitimé l’usage, non seulement à propos de son œuvre, mais aussi pour l’ensemble du cinéma. Un cinéma qui, pour Cavalier, a pour fonction d’enregistrer la vie, dans ses moindres détails, jusqu’aux plus insignifiants, mais qui mis bout à bout constituent un film, parce qu’ils constituent la vie.

Tout au long de sa carrière, Alain Cavalier c’est imposé comme un maître incontesté du portrait. En 1987 il réalise deux séries de 12 mini portraits de 13 minutes, présentant des petits métiers de femme, presque tous en voie de disparition. La première série comporte les portraits de La Matelassière. La Fileuse. La Trempeuse. L’Orangère. La Brodeuse. La Dame-lavabo. La Relieuse. La Bistrote. La Canneuse. La Repasseuse. La Rémouleuse. La Maître-verrier. Cette première série est suivie en 1991 de douze autres portraits de même format sur le même principe : La Gaveuse. La Romancière. La Roulotteuse. La Fleuriste. La Cordonnière. La Marchande de journaux. L’Opticienne. La Souffleuse de verre. L’Illusionniste. L’Accordeuse de piano. La Corsetière. L’Archetière.

Suivront de 2008 à 2023 trois longs métrages destinés à sortir en salle et composés chacun d’au moins trois portraits. Ainsi dans Les Braves, Cavalier donne la parole à des héros anonymes de la Résistance et de la guerre d’Algérie.

En 2017 sort Portrait XL, portraits aux thématiques plus diversifiées. Et en 2023 L’Amitié qui résonne comme une sorte de testament (Cavalier dit lui-même que ce sera son dernier film) en nous faisant rencontrer les amis qui ont marqués sa vie de cinéaste.

Dans tous ces portraits on retrouve les caractéristiques du style de leur auteur. L’implication personnelle d’abord. Cavalier est toujours présent et dialogue avec ses interlocuteurs. La simplicité ensuite. Il ne s’agit pas de dévoiler le fond de thématiques complexe. On se chacun contente de les éclairer par petites touches. Enfin, l’authenticité, évidente et faisant tout le prix de chacun de ces portraits. Chacun est ocertes particulièrement original, mais d’une tonalité terriblement banale, ce qui ici n’a rien de péjoratif, loin de là.

Signalons enfin un portrait isolé, qu’on n’attendait pas, celui d’un cheval, nommé Caravage. Il s’agit du cheval de Bartabas, auteur bien connu du théâtre équestre. Cavalier s’émerveille devant la complicité entre l’homme et l’animal. Un portrait qui a toute sa place dans l’œuvre si humaine du cinéaste.

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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