Cinéaste français. (1922 – 1990)
Frédéric Rossif est né au Monténégro. Il fait des études à Rome à partir de 15 ans et s’engage dans la légion étrangère en 1941. Pendant la guerre, il participe à la campagne d’Italie et au débarquement en Provence. Il est fait prisonnier en 45 et sera libéré par les alliés. A la Libération, il s’installe en France, fréquente le cercle de philosophes (Sartre, Camus) et d’écrivains (Vian) à Saint Germain des Prés. Après avoir travaillé à le Cinémathèque française, il entre à l’ORTF en 1952. Il collabore alors à de nombreuses émissions, en particulier avec François Chalais. Il produira La vie des animaux pendant de longues années.
Il a deux spécialités, le documentaire animalier et le documentaire de montage avec des images d’archives. En ce qui concerne le documentaire animalier on lui doit, outre les séries télévisées comme L’Opéra sauvage (22 émissions de 1975 à 1981) des films qui sont distribués en salles comme L’Apocalypse des animaux (197) et surtout La Fête sauvage (1976), son œuvre la plus connue et la plus originale dans son domaine. Fort du succès de ce dernier film, il réalise en 1984 Sauvage et beau, où l’on retrouve son gout pour la vie sauvage qu’il filme avec une certaine poésie. La Fête sauvage est ressortie en salle en 2014. Le commentaire apparaît immédiatement très daté, mais Rossif sait aussi laisser parler les images, des images toujours surprenantes par leur beauté, et magnifiée par la musique célèbre de Vangelis. Tourné sur plusieurs continents, le film joue beaucoup sur l’exotisme. Il reste un modèle du genre.
Si ses films sur la guerre ont surtout l’intérêt de montrer des images d’archives toujours pertinentes et de traiter son sujet de façon exhaustive, il sait aussi introduire des images originales. Le Temps du ghetto (1961), consacré à l’histoire du ghetto de Varsovie, utilise les images tournées par les Allemands, depuis la création du ghetto, la construction du mur qui le coupe du reste de la ville et du monde, la résistance armée des juifs et sa destruction par les chars nazis après six semaines de combats. Rossif y ajoute des interventions de survivants, des hommes et des femmes filmés en gros plan, une lumière blanche focalisée sur le visage qui se détache d’un fond noir. Leurs récits sont bien sûr extrêmement émouvants.
De Nuremberg à Nuremberg (1989) est un projet de grande envergure. Composé de deux parties distinctes (1 la fête et le triomphe, 1933-1942 ; 2 La défaite et le jugement 1942-1946), le film suit chronologiquement le déroulement de la carrière d’Hitler, depuis sa prise de pouvoir jusqu’au procès de Nuremberg qui condamna les responsables nazis arrêtés après la défaite du Reich. La seconde guerre mondiale y tient bien sûr la première place. Le film évoque tous les champs d’opération, de l’Europe à Pacifique en passant par l’Afrique du nord. Les déplacements des troupes sont représentés par des cartes animées, notamment lors de la bataille de Stalingrad. Cette visée d’exhaustivité aboutit à un film extrêmement bien documentés mais dont le flot d’informations accumulées risque quelque peu de submerger le spectateur, surtout pour les jeunes générations.
Le film qui restera sans doute le plus souvent attaché au nom de Rossif est celui qu’il consacre à la guerre d’Espagne, Mourir à Madrid (1963). On y retrouve cette volonté d’exhaustivité mise en œuvre grâce à un montage rigoureux des images d’archives. Aucune étape des opérations n’est laissée de côté. Les cartes figurent avec précisions les avancées des uns, les percées victorieuses ou les replis. Mais le film de Rossif va bien au-delà d’un simple rappel des faits de guerre. Il propose aussi, grâce à des images tournées dans le pays, une vision géopolitique de l’Espagne avant et pendant la guerre civile. Ces images, Rossif les a tournées clandestinement, ayant présenté un projet de film touristique pour obtenir les autorisations nécessaires du pouvoir de Franco. Sur la guerre elle-même, Rossif semble souvent se situer du côté des républicains, insistant sur le fait que la victoire de Franco doit beaucoup à l’appui du régime hitlérien. Mais en même temps, le film est une dénonciation de la guerre en soi et surtout des exactions auxquelles se sont livrées les deux parties. La guerre d’Espagne est sans doute la première du vingtième siècle où les civils furent systématiquement les victimes de l’acharnement des combattants. La seconde guerre mondiale poussera cela jusqu’au paroxysme. Les images des camps d’exterminations des juifs par les nazis présentes dans De Nuremberg à Nuremberg, images diffusées lors du procès de Nuremberg, en sont la meilleure illustration.
