Claire Simon – Entretien

Vous avez réalisé des documentaires mais aussi des fictions. Peut-on vous définir comme étant avant tout une cinéaste documentariste ?

Non comme cinéaste ça suffit.

On a le sentiment que documentariste ou femme sont toujours des moyens de dénigrer ce que l’on fait.

Pour moi le cinéma est un art ancien et total documentaire ou fiction.

Fiction et documentaire, faut-il continuer à les opposer, ou faut-il les rapprocher ? Si oui comment ?

Il faudrait que les spectateurs arrêtent de croire « qu’on pose sa caméra » quand on fait un documentaire ou que les acteurs sont très forts parce qu’ils apprennent leur texte…

Je crois depuis longtemps que l’effet de vérité du documentaire est tellement puissant qu’il aveugle les spectateurs qui croient que tout est venu tout seul.

En fiction c’est souvent l’argent qui impressionne et qui fascine. Du coup les gens qui se pensent des bons spectateurs imaginent des intentions au cinéaste de fiction qu’ils n’accordent pas au cinéaste documentaire. Un exemple frappant était Roubaix. Le film de Mosco est beaucoup plus romanesque que celui de Depleschin qui colle autant que possible au film de Mosco en y rajoutant des séquences assez ridicules comme le commissaire qui va dans des bars chics et achète un pur-sang. On voit donc que fiction et documentaire ce qui les oppose c’est un rapport de classe.

Quand on donne à Alice Diop le César du premier film pour son cinquième long métrage il est dit que les films documentaires même sortis en salle ne comptent pas aux yeux des César.

Ce n’est qu’un problème politique et pas artistique.

Comment voyez-vous la situation du documentaire en France, au niveau de la production et de la diffusion ?

L’avenir il faut se battre pour et c’est ce que je fais au sein de la SRF.

On espère obtenir une obligation pour les salles art et essai de 3 séances documentaires par semaine.

(C’est un peu comme le foot féminin !)

Mais il faudrait vraiment que France TV diffuse du vrai documentaire de création et pour cela aussi nous nous battons.

La production me semble plus facile que la diffusion et c’est surtout là à mon avis qu’il faut concentrer ses forces pour que le cinéma documentaire obtienne comme le foot féminin un peu de place et de public !

Vous avez longuement filmé Lussas et la préparation du lancement de la plateforme Tënk. Comment est né le projet de la série Le Village et quelles ont été les étapes de sa réalisation ?

C’est loin maintenant. J’ai aimé suivre deux histoires en même temps la plateforme et le bâtiment dans un village agricole et donc aussi l’agriculture.

C’était très intéressant de se demander constamment qu’est ce qui fait récit au fur et à mesure. C’est en cela qu’il n’y a quasiment pas de vraies séries documentaires, des séries dont on ne connaît ni la fin ni le déroulement.

Pouvez-vous nous parler de votre dernier film en date, Notre Corps.

Notre Corps a été fait grâce à la proposition de ma productrice Kristina Larsen qui avait été longtemps à l’hôpital dans un service dédié à la gynécologie. Et j’ai toujours trouvé passionnant qu’on réunisse les femmes et les trans dans un seul et même service.

J’ai tout de suite voulu faire un portrait des étapes sur le chemin de la vie de la jeunesse à la vieillesse en essayant de montrer non pas l’hôpital mais les patientes. L’hôpital étant plutôt un fil narratif mais pas le sujet du film.

Sur quoi travaillez-vous actuellement ? Quels sont vos projets à court et moyen terme ?

Je travaille sur un film documentaire et sur un film de fiction.

Le documentaire est sur une école élémentaire en banlieue où les enfants sont tous d’origine émigrés et c’est très intéressant de voir comme tous les clichés s’évanouissent quand on regarde ce qui s’y passe.

 Et je travaille sur une fiction qui m’est très personnelle cela s’appelle « Je suis mon père».

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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