Anselme. Wim Wenders, Allemagne-France-Italie, 2023, 93 minutes.
Un film en relief 3D. Un film de Wim Wenders. Un film en relief de Wim Wenders.
Ce n’est pas la première fois que le cinéaste allemand nous introduit dans cette nouvelle forme d’écriture cinématographique. Déjà Pina, en 2010, nous proposait de suivre en 3D la troupe des danseurs du Tanztheater Wuppertal Pina Bausch dans les rues de la ville de résidence de la chorégraphe disparue en 2009. Anselm a d’ailleurs plus d’un point commun avec Pina. Il s’agit de deux films-hommages à des artistes qui marquent de leur empreinte leur discipline respective, la danse et la peinture. Deux artistes, mais aussi deux amis. Ce qui conduit Wenders à choisir comme titres de ces deux films, le prénom de l’artiste. Une marque d’intimité bien sûr.

Le film que Wenders consacre à Anselm Kiefer n’est pourtant pas une biographie au sens traditionnel du terme. Il ne retrace pas chronologiquement les étapes de la vie de l’artiste. Pourtant son vécu n’est pas absent. D’abord parce qu’il est physiquement présent dans le film. Mais pas dans des entretiens ou dans l’évocation de souvenirs. Une présence d’abord cinématographique.

Ce que Wenders choisi en premier lieu de filmer de Kiefer, c’est son travail, la création en acte, filmée comme en direct, du moins du plus près possible. Mais il filme aussi sa carrière, plongeant dans les archives des périodes les plus caractéristiques de l’itinéraire créatif du peintre, comme la série des photos où il ose se montrer faisant le salut nazi dans différents lieux connus de la planète. Une provocation sans doute, mais aussi un rappel d’une période douloureuse de l’histoire que trop d’Allemands auraient tendance à oublier. Et Wenders filme aussi le propre fils de Kiefer, un garçon d’une dizaine d’années, pour rendre visible son enfance, ou du moins des images de celle-ci.

Si filmer en 3D est particulièrement adapté à l’œuvre de Kiefer, c’est bien parce que celle-ci est principalement un travail sur l’espace. Et un espace bien particulier, marqué par le gigantisme. Wenders filme Kiefer brulant au chalumeau des herbes sur des toiles immenses dans un hangar tellement vaste qu’on ne le voit jamais dans sa totalité. Et puis Kiefer travaille aussi en extérieur, dans une nature presque sauvage, où ses œuvres introduisent des contrastes saisissants. Tout le début du film, réalisé avec beaucoup de retenu et même de douceur, nous introduit bien à la dimension poétique et presque onirique des différentes formes que prendra dans sa carrière l’œuvre de Kiefer.
Anselme est un film qui nous montre un art vivant, la création en acte. Un film artistique. C’est-à-dire une véritable œuvre d’art.
