Sexualité et éducation.

L’école des hommes. Clara Elalouf, France, 2022, 60 minutes.

En France, l’éducation sexuelle est le parent pauvre du système scolaire. Les textes officiels prévoient trois heures par an depuis le CM2 jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire. On est bien loin du compte.

Quelques élèves ont pourtant la chance de pouvoir participer à des actions innovantes, plutôt expérimentale qui proposent de prendre en compte les besoins évidents en la matière des jeunes, surtout à l’adolescence.

C’est le cas à Strasbourg où une classe spéciale est mise sur pied et propose un atelier suivi tout au long de l’année. Il est animé et piloté par un spécialiste, « animateur en santé sexuelle », une célébrité des réseaux sociaux connu sous le nom de Docteur Kpote. La caméra de Clara Elalouf s’est invitée dans cet atelier et a suivie pendant toute l’année scolaire cette expérience inédite.

Le premier intérêt du film est de nous montrer les techniques d’animation utilisées par cet homme qui connait parfaitement l’adolescence, cet âge si difficile aussi bien pour les filles que pour les garçons. Mot au tableau, écriture d’un récit à partir de mots inducteurs (peut-on commencer par amour ou par contraception ?) Mais ce n’est pas la partie la plus développée. La cinéaste s’intéresse beaucoup plus aux prises de parole des élèves, qui pour la plupart ne se fond pas prier pour s’exprimer. Sans fausse pudeur, appelant un chat un chat, ils font part de leur expérience intime et des réflexions qu’elle suscite. Et les débats deviennent vite passionnés.

Un des thèmes pour lequel l’animateur n’a guère besoin de relancer le débat, tant les prises de paroles sont spontanées et renvoient à des positions bien établies, est l’homosexualité. Apparemment aucun élève ne se revendique comme appartenant à la mouvance LGBT, ce qui ne les empêche pas de prendre position, qui pour affirmer que l’homosexualité peut être l’objet de « soins » psychologiques, qu’elle est donc une maladie – ou doit être considérée comme telle – et qu’elle peut donc être soignée. L’animateur rappelle alors qu’elle a été dépénalisée en France, comme dans bien d’autres pays, et que l’orientation sexuelle est une affaire de choix personnel. Ce sont plutôt les jeunes filles qui se rangent de cet avis et certaines défendent avec force la liberté individuelle.

A la fin de chaque séance, Docteur Kpote propose des préservatifs pour ceux qui le désirent. Une formation très concrète, utilisant des maquettes montrant par exemple le clitoris dans sa totalité, ce qui est une découverte pour certaines élèves. Il ne s’agit pas de rester au niveau des explications scientifiques abstraites, même si l’anatomie n’est pas laissée de côté.

Comment les jeunes vivent-ils ces séances ? Il n’y a pas de défection en cours d’année. C’est déjà un signe positif. Il est vrai que cette classe a été constituée sur le mode du volontariat. Aucun ne semble déçu par l’expérience. La relation avec l’animateur est bonne, celui-ci étant vraiment à l’écoute des jeunes et sait parfaitement favoriser les interactions entre eux. Il y a bien des clivages au niveau des opinions professées, mais cela n’altère pas le climat plutôt serein de l’ensemble, même si on peut penser que la réalisatrice peut être intervenue au niveau du montage pour gommer d’éventuels conflits trop violents.

La conclusion est évidente : une éducation de ce type est possible et nécessaire, et les jeunes peuvent réellement en tirer profit.

Festival International du Film d’Éducation, Évreux, 2023

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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