Peinture et handicap.

Le voyage d’Anton. Mariana Loupan, 2023, 73 minutes.

Le film peut être perçu comme le parcours, le voyage, d’un enfant handicapé jusqu’à l’âge adulte. Mais aussi comme le chemin, le voyage, d’une personne vers l’art, son devenir artiste. En fait il s’agit de devenir artiste d’une personne handicapée, plus précisément peut-être son dépassement du handicap par l’art.

Le déroulement du film prend une forme quelque peu convenue (on la trouve par exemple dans le film de Claire Doyon, Pénélope Mon Amour). Une mère filme son enfant de la naissance à l’âge adulte. Avec pour première étape fondamentale la découverte et le diagnostic du handicap. Un bouleversement évident. Puis c’est la tentative de scolarisation mais l’inclusion de tous les enfants à l’école n’est pas encore à l’ordre du jour. La recherche de traitements adaptés et efficaces, ce qui conduit le voyage jusqu’à Jérusalem, chez un professeur célèbre. Mais la découverte la plus fondamentale pour Anton, c’est celle du dessin et de la peinture. Très vite il va se consacrer entièrement à ce qui deviendra son œuvre, grâce à la rencontre d’une professeure de peinture qui aura une influence décisive sur le reste de sa vie, jusqu’à la découverte de ses tableaux par un galeriste célèbre et l’organisation d’une exposition personnelle qui consacre le statut d’artiste d’Anton.

Anton doit-il être considéré comme handicapé-artiste ou un artiste handicapé. L’alternative n’est pas une simple question (peut-être futile) de désignation.  Il y va de la signification de l’activité artistique (ici la peinture) dans sa relation avec  avec le handicap.

Certes le handicap dans le cas d’Anton ne peut être nié ou laissé de côté. Mais doit-on pour autant apprécier la peinture d’Anton uniquement en regard du handicap ? Certainement pas. Sa peinture doit être considérée avant tout et uniquement comme une pratique artistique. Et donc le regard que l’on peut porter sur elle ne doit être d’esthétique. Qu’elle puisse être ou avoir été une aide thérapeutique dans la vie d’Anton est un tout autre problème. Lorsque Anton expose, il le fait comme tout autre artiste, pour proposer ses tableaux au regard d’autrui. Et lorsqu’il peint, ce qu’il exprime ce peut être son vécu d’handicapé, mais c’est surtout sa vision de la peinture. Le film ne propose pas une lecture esthétique des tableaux d’Anton, il laisse au spectateur la liberté d’un regard personnel.

Parmi les films sur la vie des enfants porteurs de handicap ce Voyage d’Anton se démarque par son optimisme à tout épreuve. L’épanouissement d’Anton dans la peinture est une réussite comme il y en a peu. Mais tout le film exprime l’amour de la vie quelle que soit les difficultés créées par le handicap. Les parents d’Anton ne baissent jamais les bras. Sa mère est toujours souriante et son père passe beaucoup de temps à jouer avec lui. Le rôle des parents est bien sûr fondamental dans la reconnaissance d’Anton comme artiste. Mais ce qui compte aussi c’est cette volonté de vivre qui trouve sa pleine expression dans la peinture. Un art qui va bien au-delà du handicap.

FIPADOC 2024 Biarritz.

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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