L’amour contre Alzheimer

La mémoire éternelle. Maité Alberdi, Chili, 2023, 85 minutes.

Jamais peut-être un film aura montré l’amour d’un couple avec autant de simplicité, d’authenticité, de sincérité, de profondeur.

Ce couple c’est celui que forme Augusto Góngora et Paulina Urrutia. Lui est journaliste, célèbre au Chili. Il s’est engagé depuis toujours dans la dénonciation des crimes de la dictature et depuis le retour de la démocratie il se bat contre l’oubli. La réconciliation nationale n’implique nullement que le pays devienne amnésique de son passé. La dictature a fait tant de mal. Elle a laissé des traces indélébiles, des souffrances qu’il faut sans cesse rappeler pour ne pas les oublier.

Elle c’est une célèbre comédienne qui a été ministre de la culture du gouvernement Bachelet. Le film la montre jeune, souriante, rieuse même, du moins tant que la maladie de son mari lui laisse le temps de vivre.

Car Augusto souffre de la maladie d’Alzheimer. Sa mémoire s’efface peu à peu. Il en vient à ne plus se reconnaître dans la glace. Puis il ne reconnaît plus sa femme, ses enfants malgré leurs efforts pour le stimuler, le garder présent dans la famille, dans son couple surtout. Un courage de chaque instant, exemplaire, surtout quand on sait que l’issue est inévitable, même s’il est possible de le retarder un peu. L’issu c’est l’isolement total du malade. Le moment où il sera totalement absent à lui-même et aux autres. La destruction du passé, de tout ce qui a fait une vie. Une vie de passion, d’engagement et d’amour.

Le film montre parfaitement le mécanisme impitoyable de la maladie. Les pans de la vie qui disparaissent peu à peu ; en commençant par le plus proche. Jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien, plus qu’un présent vide, inhabité, douloureux. Un film rempli de moments de grande émotion, surtout lorsque la souffrance d’Augusto et si grande qu’elle déborde de partout, ravageant la vie de sa compagne. Elle s’est vivante, si rieuse n’est pas loin de s’effondrer. Mais elle reste mue par son amour pour son compagnon de toujours

Un film sur la mémoire donc. Sa grande force c’est de relier l’histoire personnelle d’une maladie avec l’histoire d’un pays, le Chili, dont la tragédie reste bien présente pour ceux qui l’ont vécue bien sûr, mais aussi pour tous les autres,  les réfugiés, les exilés, tous ceux qui ne peuvent souvent qu’affirmer leur soutien. Les images d’archives, utilisées avec parcimonie et précision sont là pour montrer que la mémoire, qu’elle soit historique ou personnelle, est bien éternelle.

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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