Black box. Shiori Ito, Japon, 2024, 99 minutes.
Nommé aux Oscars 2025 dans la catégorie meilleur film documentaire, vainqueur au Fipadoc de Biarritz de deux prix (dont meilleur documentaire international), le film de Shiori Ito est distribué dans une multitude de pays mais il est absent des écrans nippons, victime d’une censure qui ne dit pas son nom mais dont on peut penser que le pouvoir politique n’est pas étranger.
C’est que Black box est un film dérangeant, surtout pour le pouvoir en place, les traditions bien établies et le patriarcat triomphant qui règne sur les médias et la justice au Japon. Shiori Ito se bat depuis plus de 10 ans pour faire reconnaître et condamner son violeur, un personnage haut placé, ami du Premier ministre de l’époque.

Elle réunit une conférence de presse pour révéler les faits. Elle est la première femme à le faire et lui faut pour cela un courage énorme dans ce pays où les actes de violence sexuelle sont un tabou dont on ne parle pas et qui doivent rester cachés, les victimes vivant alors dans la honte et n’ayant aucune visibilité du côté des médias ou d’associations féministes, d’ailleurs inexistantes. Le film raconte à la première personne le long combat mené par la journaliste-cinéaste. Le refus de la police de recevoir sa plainte. Le refus de la justice de poursuivre l’agresseur au pénal. C’est donc au civil qu’il sera accusé et condamné. Une victoire due à l’acharnement de la plaignante.
Rien n’est pourtant facile pour elle. Elle parait d’abord bien seule dans ce monde dominé par les hommes et ne cache rien de ses moments de solitude, de découragement et ses déceptions successives. Mais rien ne pourra la faire renoncer. Elle ira jusqu’au bout pour obtenir justice. Un combat qui secoue la société japonaise. Ito révèle ses archaïsmes. Un combat d’abord décrit dans un livre avant de devenir un film. Black Box devrait finir par être diffusé au Japon tant il est porteur d’espoir pour les femmes qui commencent à se mobiliser contre un masculinisme qui peu à peu se voit remis en cause. La lutte sera sans doute encore longue, mais l’exemple de Shiori Ito ne peut que faire des émules dans le contexte actuel post metoo.
Black box est un remarquable exemple du pouvoir du cinéma, qui a d’abord une dimension thérapeutique individuelle, mais dont la sincérité de l’engagement dépasse largement le point de vue personnel pour devenir un véritable pouvoir politique.
Un premier film qui fera date.
Fipadoc 2025 Grand Prix de la compétition documentaire international et Prix découverte Michel Mitrani.
