La Belle Étoile

Les oubliés de la Belle Étoile. Clémence Davigo, France, 2022, 100 minutes

Enfant, ils ont séjourné dans cette institution catholique en Savoie, La Belle Étoile. Un Centre de redressement, comme on disait dans les années 1950. Redressement, une conception de l’éducation où domine la manière forte. Les châtiments corporels sont monnaie courante. Considérer comme le meilleur moyen de « redresser » les enfants pas tout à fait comme les autres.

La violence y est donc quotidienne. Et toutes les dérives sont possibles. Humiliations de toutes sortes. Pas seulement physiques. Mais aussi les violences sexuelles. En particulier de la part de l’abbé., directeur de l’établissement.

Le film suit la rencontre, une réunion, des retrouvailles de trois de ses anciennes victimes de ce système passé aujourd’hui sous silence. Ils se retrouvent précisément pour briser ce silence, pour dire au grand jour leur vécu de terreur. Pour ne plus faire comme si tout cela n’avait jamais existé.

À la joie des retrouvailles des trois protagonistes du film, fait vite place l’évocation des traumatismes jamais oubliés. Les cicatrices sont toujours vives. Les douleurs remontent le temps. Un travail de mémoire indispensable, même après tant d’années.

Par petites touches, le film retrace la vie de ces anciens pensionnaires de la Belle Étoile. Après le premier enfermement, d’autres suivront jusqu’à la prison pour Dédé. Un destin tracé dès le plus jeune âge. À la Belle Étoile, on enferme les orphelins, les pupilles de la nation, les enfants de la DDASS, ceux qui, dès l’enfance sont laissés de côté et qui seront enfermés dès les premiers écarts.

Le film est donc une interrogation sur l’existence même de ces établissements. Mais il est aussi une accusation ouverte de l’Église Catholique, qui fait aujourd’hui de plus en plus l’objet de scandales retentissants. Le film de Clémence Davigo s’inscrit donc dans ce vaste mouvement de libération de la parole des victimes, anciennes ou actuelles. Du #metoo du cinéma aux dénonciations de viols d’enfants et d’incestes dans tous les milieux de la société.

Un film qui n’a rien d’extrémiste. Il aborde le problème avec une grande sérénité. Les condamnations qu’ils formulent n’en sont que plus efficaces.

Pas d’excuse pour les prédateurs d’enfants.

Fipadoc, Biarritz 2024

Festival International du Film d’Éducation, Évreux 2023, Grand Prix du Long métrage documentaire

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Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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