Comment avez-vous eu l’idée du film.
C’est un sujet qui n’est pas beaucoup traité dans le cinéma. J’ai toujours trouvé ça bizarre, alors que c’est quand même une expérience importante dans nos vies et centrale dans le cinéma. Et en même temps, souvent, quand elle est abordée dans le genre documentaire, c’est souvent pour parler de problématiques, de thématiques sociales, de sujets sociaux. Elle est rarement abordée de manière privée et personnelle. C’est quelque chose que je voulais faire. Je l’avais déjà fait avec mon film précédent, La faute à mon père, sur l’histoire de mes parents. Et comme j’avais à disposition une énorme quantité de matériaux, puisque j’avais filmé tous mes amoureux et mes amoureuses, et donc j’avais gardé énormément d’images, j’aurais pu faire un film autobiographique. Mais ce qui m’intéressait, c’était justement cette idée du dispositif, c’est-à-dire de chercher la partie manquante de notre parcours et d’aller leur donner la parole, tout en la confrontant, évidemment, avec mes propres images d’eux au moment où j’étais avec eux. Donc cette idée, elle est née aussi dans un moment de ma vie où, après une rupture amoureuse, donc souvent, dans ces moments-là, on pense qu’on n’en aura jamais plus et qu’on a tout perdu pour toujours. Donc c’est une manière de récupérer, finalement, de dire que quelque chose a existé, d’aller chercher des preuves d’amour.
Et dans mon parcours professionnel, à un moment où je me rends compte aussi, je commence à prendre un peu plus confiance en moi et à commencer à ignorer les commentaires que j’ai toujours entendus sur « ça n’intéressera personne », « c’est narcissique », ce genre de choses que j’ai entendues toute ma vie. Il y a eu beaucoup d’autocensure de ma part. On connaît souvent les femmes dans le milieu audiovisuel qui est le mien, surtout que je vis en Italie depuis 25 ans, donc ma situation n’est pas très agressante. Elle est bien pire qu’en France. Et donc, c’est vrai que même si je commence à écrire ce projet finalement en 2015, d’ailleurs à une résidence d’auteur à Lussas, le projet était déjà assez clair. Finalement, le film ne s’éloigne pas beaucoup du projet original. Donc j’avais des idées très claires dès le départ. Et le projet a toujours reçu des prix. Il a été au Solinas, qui est un prix italien assez important. J’ai reçu une aide à l’écriture du CNC. J’ai été sélectionnée à Lussas. Donc voilà, il y avait toujours un intérêt, mais il ne partait jamais productivement.
Moi-même, je vis en Italie. Donc j’ai essayé un petit peu en Italie. J’aurais pu aussi essayer en France. Mais la productrice avec qui je travaillais sur mon précédent film, elle travaillait avec la télévision. Et la télévision n’était pas intéressée par un projet aussi personnel et aussi privé. Et donc voilà, le projet, je l’ai abandonné pendant plusieurs années.
Puisque mon travail, c’est autre chose. Moi, je suis réalisatrice de bande annonce pour la télévision. Et parfois, je fais des projets personnels, des documentaires ou des podcasts, ou des documentaires audios. Mais ce n’est vraiment pas mon activité principale. Et surtout, je ne peux pas en vivre. Et même maintenant, avec le succès de ce film, je ne gagne pas un centime sur les entrées au cinéma. Je ne gagne pas un centime sur les sorties DVD. J’ai eu un contrat très désavantageux. Et donc, même s’il y a eu une sorte de succès d’estime, je n’ai absolument aucun retour économique.
Donc, ce n’est vraiment pas un métier facile. Ça, c’est sûr. Moi, j’étais assez convaincue dès le départ de la pertinence de cette idée. D’abord, parce que j’avais pu vérifier dans le passé avec d’autres projets qu’on pouvait faire quelque chose de très personnel et de très universel. Et que même, paradoxalement, plus c’est personnel, plus c’est universel. Et aussi, je savais que si on racontait une histoire toujours en pensant au spectateur, ce que j’ai toujours fait, j’ai toujours pensé au spectateur, je pense que si on n’a qu’une motivation personnelle, thérapeutique, pour griller des comptes avec son passé, ça ne suffit pas pour faire un film. Et ma motivation, elle était plus artistique et vraiment l’idée de faire quelque chose pour que les gens aillent voir. D’ailleurs, je pense que les films que je fais sont assez mainstream, ils sont très grand public. Ils ont en tout cas un langage qui est très facile et agréable.
C’est d’ailleurs drôle parce que par exemple à Lussas, aux Etats Généraux du Documentaire, ils n’ont pas sélectionné mon film. Ils ne l’ont pas fait voir, même dans une section parallèle, sans compétition. Parce que probablement, quelque part, ça ne correspond pas à l’idée qu’ils se font du documentaire. En tout cas, je l’imagine. Je dois dire la vérité, ça m’a un peu vexée quand même, parce que c’est un projet qui est né là-bas. Mais bon, c’est probablement trop… Peu importe, je ferme la parenthèse.
En tout cas, le film, pendant longtemps, il reste dans les tiroirs. Et de temps en temps, je l’envoyais, le projet, à droite, à gauche, j’ai envoyé ce projet à plein de gens et j’ai vraiment eu une quantité de non faramineuse. Sauf que maintenant, j’ai appris, d’ailleurs c’est toujours la première chose que je dis à mes étudiants, c’est qu’il faut vraiment persévérer. C’est vraiment la persévérance, quelque chose qui peut vraiment… qui est très importante parce que quand une idée se repropose de manière régulière, ça veut dire qu’il y a quelque chose. Et enfin, le bon moment est arrivé. Et le bon moment, je pense qu’il a été vraiment lié à la révolution MeToo, qui a amené, en tout cas en Europe, une prise de conscience, surtout en Italie où la situation est désastreuse.
Pour vous dire, en Italie, il y a 11% de femmes réalisatrices. Vraiment très peu. Donc finalement, ça a amené la conscience qu’il fallait raconter aussi des histoires, des narrations féminines qui manquaient cruellement dans le paysage audiovisuel italien.
Donc c’est là qu’une grosse production, puisque finalement c’est un gros producteur, un bon producteur en Italie, Groenlandia, décide de faire un appel à projets pour des femmes. Donc c’est à ce moment-là que j’envoie ce projet, et c’est à ce moment-là que le projet part en Italie. Donc on est en 2022. C’est toujours un petit peu en retard. Donc ça a été une énorme opportunité. En même temps, ça n’a pas été simple, parce que c’est un gros producteur qui fait des choses très commerciales, qui ne fait absolument pas du film d’auteur, qui n’avait pas forcément une motivation totalement sincère. C’est-à-dire qu’il veut produire des femmes, mais c’est vraiment pour surfer sur la vague. Donc en fait, il voulait produire des femmes, mais en même temps faire les films qu’il voulait eux. Donc ça n’a pas été très simple.
Pour ainsi dire, ça a été très compliqué. Mais plusieurs fois, j’ai failli abandonner ce projet. Et là encore, j’ai persévéré et serré les dents, parce que je me suis dit que j’avais quand même une occasion assez importante avec ce producteur, et qu’il fallait essayer de trouver un compromis. Et notamment, le problème, c’est que ce producteur était terrifié par l’aspect personnel du film. Alors j’avais envie de leur dire, pourquoi vous l’avez sélectionné ? Il voulait absolument que ce soit universel, il faut que ce soit universel. Donc dès que c’était un peu trop personnel, ça ne leur plaisait pas. Ils voulaient faire un traité sur l’amour de manière générale. À la limite, ils auraient aimé que les personnages disent des généralités sur l’amour. Alors que moi, je voulais raconter mon histoire, une histoire très, très personnelle, très privée, qui soit, comment dire, romanesque, comme dans un roman d’éducation, finalement.
Vraiment, parce que ce que j’aime faire, moi, c’est un petit peu un type de documentaire, un sous-genre. Les Américains, ils vont appeler ça le home movie. Moi, j’aimerais bien le définir comme une sorte de documentaire romanesque, ou en tout cas, comme un cinéma de non-fiction. C’est-à-dire que, comme dans le roman de non-fiction, on utilise des vrais gens, on utilise des vraies images, on utilise des vrais faits. Mais la manière dont on raconte l’histoire, il y a une écriture, il y a un point de vue. Et on est dans quelque chose qui est plus romanesque et plus littéraire. Et donc, voilà, c’est clair que c’est un peu particulier. Et qu’en même temps, je pense que c’est la clé qui fait que beaucoup de gens, notamment les très jeunes, ont aimé ce film. Ce qui m’a beaucoup étonnée. C’est un film qui les réconcilie avec la mauvaise idée qu’ils peuvent avoir parfois du genre documentaire. Parce qu’ils sont embarqués dans cette histoire comme dans une fiction. Le documentaire, ce n’est pas seulement des sujets sociaux ou des questions dramatiques. Ça peut aussi être drôle, léger, émouvant.
C’est-à-dire que le réalisateur, la réalisatrice, est là, en permanence, sur l’écran, en quelque sorte. Rien ne se fait sans qu’elle soit là, sans qu’elle soit présente et qu’elle gère un peu tout ce qui est proposé aux spectateurs. Et même si là, dans ce cas précis, on parle de moi en disant « elle », et je suis absente du film, même si on m’aperçoit un petit peu, même si je suis très présente dans le point de vue des archives et dans la réalisation. Et en même temps, moi j’ai toujours essayé de faire en sorte, de la manière dont on va structurer le film, l’histoire, la narration, la dramaturgie, les ellipses, etc., j’ai toujours essayé de faire un film qui ne parle pas de moi, mais qui parle des spectateurs, qui parle des gens, pour que les gens puissent s’y reconnaître. Et c’est là qu’on utilise des trucs, des techniques d’écriture, de montage, etc., Et c’est pour ça qu’on a convoqué chacun des personnages, qui sont des personnes qui deviennent des personnages au moment où on raconte une histoire, pour aller illustrer une étape ou un aspect d’une histoire amoureuse, pour éviter d’être répétitif, d’avoir une histoire qui se raconte du début à la fin. Donc on a vraiment cherché, comment dire, que chaque personne devienne quelque part… Je cherche le mot. Le mot m’échappe, excusez-moi, mais une typologie d’amour, quoi, voilà.
Vos interlocuteurs, devant la caméra, au moment où ils sont filmés, comment se comportaient-ils ? Ont-ils accepté facilement de jouer ce jeu, en quelque sorte ? Comment ça s’est passé avec eux au moment de la réalisation ?
Pour un producteur, il y a toujours la partie faisabilité du projet. Et ça, c’est quelque chose qui préoccupait beaucoup les producteurs. C’est-à-dire, est-ce que les gens vont accepter ou pas ? Moi, j’étais convaincue que les gens accepteraient. Je n’avais absolument aucun souci par rapport à ça. Je savais que ce serait facile. D’abord, parce qu’ils me connaissent, et donc ils n’étaient pas étonnés de cette proposition. Ensuite, parce que cette proposition, à mon avis, elle est irrésistible. Quand est-ce qu’on a l’occasion de raconter comme ça ? Un interlocuteur qui est neutre, ce n’est pas moi, sa version du fait, c’est ce genre de provocation un peu provocatrice, un peu à la Sophie Calle. D’ailleurs, c’est quelqu’un qui m’a beaucoup influencée, évidemment. Il y a aussi un aspect ludique à rejouer comme ça, une histoire de sa vie. Dans cette neutralité que je leur proposais, puisqu’il n’était pas question de faire une confrontation, des versions ou des règlements de compte, et je ne voulais surtout pas me mettre en scène. À partir de ce moment-là, les gens ont adhéré assez rapidement et assez facilement. Évidemment, il y a eu deux personnes qui étaient des personnes très importantes pour le film, qui ont eu beaucoup de résistance, pour des raisons évidentes, dont le fait qu’elles étaient devenues connues. C’était plus compliqué, évidemment, pour plein de raisons. Mais j’ai eu l’élégance de ne pas insister. J’ai laissé la personne chargée en production de parler avec elle. Et avec un peu de patience, elles ont fini par accepter. Par ailleurs, le dispositif, qui est extrêmement simple et cheap, puisqu’on est en Italie, on a un très petit budget, mais tellement petit qu’en France, on n’imagine même pas tellement ce budget est minuscule. Donc, le dispositif avait l’avantage d’être très peu coûteux, puisqu’on avait toutes les images d’archives. Voilà, ça, c’est déjà là. Ils ne les ont pas achetées, je leur ai donné. Et puis, des interviews. Et puis, des images de l’île. Donc, très peu coûteux. On a décidé d’aller chez eux, dans leur appartement. On utilisait une seule caméra sans plan de coupe, en lumière naturelle. Et l’opérateur faisait aussi le son. Donc, il y avait juste une personne et l’intervieweuse, Astrid Desmousseaux, qui est une journaliste, en présence. Donc, ça permettait aussi aux gens de se confier dans un cadre naturel, sans une troupe, sans lumière, voilà. Ça permettait, je pense, une spontanéité. Aussi, le fait qu’il n’y ait pas de plan de coupe. Parfois, on fait des cuts sur l’axe. Ça permet aussi un dispositif qui est, en tout cas, qui donne une forme de vérité pour le spectateur. Il n’y a pas le montage du plan de coupe qui permet de manipuler la phrase, etc. Et puis, c’est un cadre qui ne bouge pas, qui est très simple. Donc, même si c’est très cheap, c’est un film qui n’est vraiment pas très brillant d’un point de vue formel, mais je pense que tous ces petits défauts passent au second plan, puisque, justement, il y a une forme de vérité qui s’échappe et qui plaît aux gens, parce qu’ils ont l’impression d’être en présence d’un film qui n’est pas confectionné, fabriqué.
Pouvez-vous nous parler de la réalisation.
La réalisation a été assez simple d’un point de vue du tournage Moi, je ne suis pas quelqu’un qui suis à l’aise avec des tournages compliqués. Je n’aime pas ça le tournage.
Moi, j’aime le montage. Donc, le tournage, ce n’est pas quelque chose qui me plaît beaucoup. Même si je filme tout le temps, toute ma vie. Donc, c’était un tournage très, très simple. Ça a été assez rapide. Et on a fait aussi des images des villes où les fêtes se sont passées. Le travail de réalisation, c’était surtout un travail d’acquisition de tous ces archives de formats divers. Parce que c’est un film petit format. On a décidé de laisser les formats originaux de toutes les images. Le format change dans le film. On a décidé de laisser tout comme c’était. Évidemment, ça a été un travail technique pour le conforming sur la ville, etc. Et puis, surtout, un travail énorme de l’assistante monteuse. Avant même que la monteuse arrive dans le projet. Pour ordonner, mettre en ordre tous ces répertoires. Parce qu’on avait quand même 70 heures de répertoire. Malheureusement, on en a utilisé très, très peu dans le film.
Donc, la monteuse arrive et elle n’a que 8 semaines de montage. Ce qui est très, très, très peu. Mais malheureusement, on ne pouvait pas avoir plus pour une question de budget. Et donc, ça a été vraiment un montage très intense. J’ai eu de la chance de travailler avec une monteuse qui travaille à la télévision. Moi, j’ai fait ma carrière à la télévision. Et je trouve que les gens qui travaillent en télévision, ont une rapidité d’exécution, une capacité à travailler sous pression et avec des temps très courts et avec des budgets très petits, assez incroyables. Donc, j’ai eu de la chance de travailler avec elle. C’est quelqu’un avec qui j’avais déjà travaillé dans le passé comme réalisatrice de bande-annonce. Et d’ailleurs, le montage, finalement, il est assez particulier. Ce n’est pas un montage qu’on voit souvent dans les documentaires. C’est ce qu’on appelle un montage emphatique avec énormément de cuts, avec un montage très dense, beaucoup de musique, beaucoup de mouvements. On avait besoin, puisque c’est un film de 90 minutes avec 12 personnages, de synthétiser, de faire des ellipses. Et parfois, il n’y a des personnages qui n’ont que 4 minutes et demie de récit. Donc, il fallait vraiment aller vers quelque chose de très agile.
Là aussi, c’est vrai qu’on est dans un langage qui est peut-être un peu différent du langage puriste du documentaire. On en voit beaucoup à Lussas, ce que j’aime beaucoup d’ailleurs. Mais on n’est pas toujours dans le même langage, évidemment. Parce que ça aurait été impossible de saisir ce parcours sur 30 ans et d’avoir 12 personnages en ayant un montage différent. On était obligés de faire quelque chose de très rapide. Donc, la réalisation, à partir du moment où le film repart, puisqu’il y a eu des problèmes au niveau de la production que je vous ai expliqué, des malentendus, etc. À partir du moment où la réalisation démarre, ça a été très rapide. C’est-à-dire qu’on a commencé en octobre et on a fini en juin. On a commencé le tournage en octobre et on a fini le montage en juin.
Donc, ça a été assez rapide. Franchement, vu le peu de temps qu’on a eu, le peu d’argent qu’on a eu, moi, j’aurais aimé avoir plus de temps. J’aurais aimé faire une série documentaire de trois épisodes. Mais bon, les choses ont été quand même arrêtées. Et puis, finalement, ça a été…
Et sinon, qu’est-ce que je pourrais ajouter ? Alors, la deadline qu’on avait, c’était en juin 2023, quand on fermait le montage. La date limite qu’on avait, c’était qu’on voulait l’envoyer et qu’on partait pour aller à Venise. On a réussi à être sélectionnés. Donc ça, c’était formidable, parce que le film a débuté à Venise en septembre 2023. Et à partir de là, il a commencé un parcours assez extraordinaire. D’autant plus que, comme ça avait été difficile au niveau productif, comme il y avait eu des désaccords avec le producteur, je n’avais pas le final cut. Donc il fallait que je trouve un…accord. C’était pas évident. À un moment donné, on avait presque rompu. C’était infernal.
C’est à ce moment-là qu’on a gagné à un festival qu’il y a à Bologne, qui réunit les acteurs de l’industrie du documentaire et où il y a attribué un prix au meilleur projet documentaire. Et c’est mon projet qui a gagné, avec une vision qui n’était pas celle de la production. Donc à ce moment-là, le projet est reparti. C’est-à-dire qu’il y a eu, comme on dit en anglais, a proof of concept. C’est-à-dire que mon concept et ma vision ont été approuvés par ce festival qui a considéré que c’était le meilleur projet documentaire. C’est là que le film repart. Et j’ai réussi à convaincre le producteur, qui n’aime pas ma vision en lui disant que ma vision va lui coûter trois fois moins cher. C’est ça qui fait que, finalement, on a réussi à faire ce film. Et avec énormément de limites, puisque, par exemple, je vous donne un exemple. Comme il ne voulait pas mettre d’argent sur ce projet, on a dû couper dans les archives toutes les scènes où il y avait de la musique commerciale. Par exemple, je suis dans un bar en l’an 2000, on entend Britney Spears. Je ne peux pas utiliser cette scène parce qu’il ne voulait pas payer les droits. Et que les droits sont extrêmement chers, ça, c’est quelque chose que j’ai découvert. Parce que même quand il s’agit d’une image faite par ma maman toute seule avec ma caméra H8 en 2000 dans un bar, aujourd’hui, les majors vous font payer les droits musicaux intra diégétiques dans la scène comme si c’était une musique de film. Donc, ils vous demandent 6 ou 7000 euros. C’est terrible. Alors, moi, c’est quelque chose que j’avais mis au départ, que j’avais pris en compte, que j’avais prévu à la production. La seule chose qui va vous coûter cher, ce sont les musiques qu’il y a dans les archives.
Le producteur n’était pas du tout convaincu et il pensait que ça n’allait intéresser personne. C’est pour ça qu’après, le parcours du film, c’est une vraie revanche. Parce j’ai été un petit peu mortifiée pendant la production. Un petit peu diminuée. Avec une forme, comment dire, de misogynie intériorisée, pas du tout consciente, mais je suis sûre que si j(avais été un homme tout aurait été plus facile. On m’aurait fait plus confiance. On aurait considéré que le fait que je défendais certaines choses n’était pas de l’ordre du caprice. Voilà, ça a été d’autant plus agréable que j’ai dû me battre, de voir que ça allait toucher les gens, que les gens allaient voir que ce n’était pas le film narcissique qu’on avait pu craindre, ça a été vraiment une grande satisfaction.
