Basic Training. Frederick Wiseman, États Unis, 1971, 89 minutes.
En pleine guerre du Vietnam, Wiseman s’intéresse à l’armée américaine, par le biais de son recrutement. De leur arrivée dans le camp de Fort Knox, jusqu’à la cérémonie de remise de médailles qui clôt le cycle de formation, nous suivons toutes les étapes de cette transformation de jeunes Américains en soldats qui doivent être prêts à aller combattre – et pour beaucoup, risquer et laisser leur vie – dans la jungle vietnamienne. Une occasion rêvée pour mettre en évidence les valeurs et les principes de ce système militaire qui ne peut tolérer aucune exception, aucun accroc aux règles de son existence. Obéissance est ici le maître mot. Le seul peut-être qui contient en lui-même une évidence indépassable. Si tu fais exactement ce que tu dois faire, alors tu n’auras pas de problème. Et tout marchera comme sur des roulettes. Le système militaire est fait pour être respecté et c’est ce respect qui signifie au fond le respect du pays dans son ensemble, qui assure son efficacité.

Dès l’incipit du film, nous sommes plongés au cœur de ce système. Les futurs soldats se voient attribuer une couchette dans la chambrée. Puis on prend leurs mensurations, leurs empreintes digitales et on les prend en photo comme dans un commissariat. On n’échappe pas non plus à la séance du coiffeur, la Tonte à ras se fait à la tondeuse. Ils en ressortent tous avec le même crâne. On assiste au discours de bienvenue du général. Et à celui du commandant. Qui reprend les mêmes mots, le respect du système, bien sûr.
La formation que suivent, (que subissent) ces appelés se veut moderne. On utilise la vidéo avec par exemple un film sur l’hygiène dentaire où on apprend comment se brosser les dents. Pour le reste, rien de bien surprenant. On apprend à marcher au pas à ramper sur le sol. Et tous les exercices physiques traditionnels. Le maniement des armes est bien sûr un moment important, sans oublier l’utilisation de la baïonnette. Cette séquence est l’occasion d’un échange significatif. Ces armes ont-elles tué un homme¸ Demande-t-on ? Sont-elles appelées à le faire ? L’instructeur coupe court au possible débat éthique. A la guerre, ou on tue ou on est tué ? Face à un ennemi, pas le temps de réfléchir. Et la plus haute valeur, c’est de se sacrifier pour les autres, de risquer sa vie pour sauver celle d’un camarade.

Wiseman nous montre aussi le fonctionnement des instances disciplinaires. Car il y a bien des infractions. Du non-respect du système. Par exemple, ce soldat qui a fait le coup de poing contre un camarade. Tout acte répréhensible sera immédiatement sanctionné. Et les récalcitrants risquent non seulement la prison, mais aussi la Cour martiale. Une inscription de ce type dans son carnet militaire est présentée comme une tare jusque dans la vie civile, dans la recherche d’emploi notamment. Sans que Wiseman ait recours aux statistiques, le film laisse entendre que les cas de révolte interne sont rares. Et le film se termine bien sûr de façon positive. Les nouveaux soldats sont prêts à partir sauver les États-Unis et la Démocratie. En attendant d’autres guerres qui à n’en pas douter seront toutes l’occasion d’actes héroïques.
Conclusion, la formation militaire a pour but de plier les futurs soldats dans le même moule ? Et elle y réussit parfaitement. En neuf mois.
