Homelessly in love. Ariane Mohseni-Sadjadi et Lalita Clozel, France, 2023, 82 minutes.
Lorraine, Alyssa Michelle, trois femmes qui ne se connaissent pas, qui ne se sont jamais rencontrées, qui ne se rencontreront sans doute jamais. Trois femmes qui ont pour point commun d’avoir été SDF. D’avoir vécu dans la rue, démunie de tout. Trois femmes qui pourtant ont la force de se reconstruire, de refaire leur vie, comme on dit. Trois femmes et donc aussi trois hommes avec lesquels se jouent des relations d’amour, de tendresse, mais aussi de violence et une part de haine. Trois femmes dont on va pénétrer l’intimité dans ce film choral qui ne nous présente pas trois portraits successifs, mais plutôt qui construit, grâce au montage, un seul portrait, celui de la féminité blessée, torturée, exploitée, mais qui trouve la force de lutter pour échapper à la désespérance.

Le film d’Ariane Mohseni-Sadjadi et Lalita Clozel est réalisé aux États-Unis. Quelque part aux États-Unis, puisque on ne sait pas exactement où, mais peu importe, ce pourrait être aussi bien à l’Est et à l’Ouest ou au centre. Ce serait les mêmes plans sur des centres commerciaux où se regroupent les supermarchés de nourriture. Les mêmes travelings infinis sur les pavillons de banlieue, tous identiques ou presque. Ils s’alignent les uns à côté des autres, sans barrière ou haie de séparation. Un film sur l’Amérique donc, mais réalisé par deux cinéastes françaises. Deux réalisatrices qui sont parties là-bas et ont filmé ces femmes pendant cinq ans. Même si on ne sent que très peu, dans le film, le temps qui passe en dehors de la détérioration de la relation amoureuse de deux couples sur trois.

C’est la grande magie du film Choral – ici particulièrement bien mise en évidence – de pouvoir construire une communauté de vie sans jamais perdre de vue la spécificité de chacune des personnages. Si elles sont toutes trois si attachantes, c’est bien sûr pour des raisons différentes. Mais l’on sent chez chacune cet attachement à la vie, à leur vie, malgré les manques et les difficultés de toutes sortes.

Qu’achèteraient-elles en premier si elles se trouvaient tout à coup en possession d’une grosse somme d’argent ? La réponse, une maison, était attendue, mais tellement sincère qu’elle ne pouvait être autre.
La question était posée par une des deux réalisatrices. Car elles ne s’interdisent pas d’intervenir, même si elles n’apparaissent pas à l’image. Une Communication authentique, se met en place, indispensable à la réussite du film.
Un film qui pourrait bien être le lancement d’une carrière éblouissante de deux jeunes cinéastes déjà si talentueuses.

