Une grand-mère indienne.

Nani India. Benoît Raoult, France, 2023, 98 minutes.

Un couple mixte, lui français et elle d’origine indienne. Ils vivent en Normandie Ils ont deux enfants, un garçon et une fille. Tous les ans si possible, chaque fois qu’ils peuvent en tout cas ils se rendent en Inde, à Delhi, chez la grand-mère pour des vacances familiales qu’il passe presque exclusivement en famille, dans la maison familiale. Ils ne vont pas en Inde pour faire du tourisme. Nous ne verrons rien du pays, et presque rien de la ville où ils résident, à l’exception de quelques plans, toujours les mêmes, du quartier où réside la grand-mère, les terrasses des immeubles et les voitures dans la rue.

Benoît est cinéaste. Il part toujours en Inde avec sa caméra. Et il filme la famille et un peu les voisins. Le film qu’il propose est donc composé des images qu’il a ramenées de chaque voyage, des images où est indiqué chaque fois la date du voyage. Nous pouvons ainsi assister à un pan d’histoire familiale, la grand-mère qui vieillit et les enfants qui grandissent. L’immeuble en face est toujours en construction (sera-il achevé un jour ?) le quartier est toujours le même ou plutôt la vue qui nous en est proposée est toujours la même. Le temps passe mais l’Inde semble immuable, du moins le regard que le cinéaste porte sur elle semble ne pas être soumis aux lois de la temporalité.

Comme le titre l’indique, c’est la grand-mère qui est le centre du film. Sauf dans la dernière séquence où l’âge impose ses traces, elle semble éternelle, avec sa coiffure et sa longue tresse blanche toujours impeccable. Son gendre la filme dans ses menues occupations où domine l’entretien de son « temple » personnel. Elle s’y s’occupe avec amour et respect de petites figurines qui doivent représenter ses ancêtres. Elle leur parle, elle les époussettes, elle leur offre des offrandes. Le cinéaste n’intervient pas, ne donne pas d’explications, ne fait pas de commentaire.

D’ailleurs son film ne se veut surtout pas explicatif de quoi que ce soit. Raoult nous propose un regard sur la vie en Inde, un regard très familial, très partiel, limité. Un regard qui n’a aucune prétention sociologique même s’il s’en dégage une certaine appréhension de la différence et de la confrontation des cultures.

Un regard qui n’est même pas touristique. On sort du film avec l’impression d’avoir fait de petits séjours en Inde dans une famille indienne. On en garde quelques souvenirs des impressions vécues qui s’estomperont rapidement. Des visions des couleurs chatoyantes des saris des femmes et de l’éclat des yeux des enfants. Et une grand-mère qui vieillit au fil des années bien sûr, mais qui incarne à elle seule ce mystère d’un pays qui ici est bien plus fantomatique que dans le film éponyme de Louis Malle.

Festival Jean Rouch 2024, Paris.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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