K COMME KENNEDY

Une image, un film. Primary de Robert Drew.

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Kennedy en campagne électorale. L’image est en noir et blanc, comme les premiers films de Truffaut ou Godard. On identifie immédiatement l’homme politique qui va au-devant de ses électeurs. Il prend ce qu’il est convenu d’appeler un bain de foule, entouré par ses supporters qui lui tendent carnets et crayons pour obtenir un autographe. Le cadrage est cependant relativement serré, ce qui ne permet pas d’identifier le nombre de supporters présents. Le candidat ne semble pas vraiment bousculé par une foule plus ou moins déchainée. Il sourit, reste calme, posé. Rien dans sa tenue (costume sombre, chemise blanche et cravate) n’est déplacé. N’y a-t-il pas là une évocation évidente du monde du showbiz ? Le candidat Kennedy dans le rôle du jeune premier. Il se dirige vers la droite de l’écran, vers son élection, vers sa destinée…

Le film suit de façon systématique la campagne des deux candidats engagés dans la primaire du parti démocrate dans l’Etat du Wisconsin., Kennedy d’un côté et le sénateur Hubert Humphrey de l’autre.  Les deux candidats sont présents à part égale dans le film, mais bien sûr, pour le spectateur d’aujourd’hui, c’est vers Kennedy que se dirige d’abord son intérêt. Le film est donc en premier lieu le portrait d’un homme dont nous connaissons l’histoire, une histoire cependant que rien dans le film ne laisse soupçonner, puisqu’il est réalisé dans une contemporanéité parfaite avec cette histoire. A la fin du film il n’est pas question du Président Kennedy.

Primary est considéré généralement comme le premier film (le précurseur) du « cinéma direct » qui connaîtra son heure de gloire dans les années 60 au Québec avec les films de Brault et Perrault et en France avec ceux de Mario Ruspoli et Jean Rouch. On sait l’importance de la technique dans la « révolution » que connaître le cinéma documentaire à cette époque. Les caméras de plus en plus légères (souvent au format 46 mm) peuvent être portées à l’épaule. Les pellicules de plus en plus sensibles permettent de filmer sans un lourd dispositif d’éclairage. Et le son peut être enregistré de façon synchrone. Tout ceci peut alors être mis au service d’une nouvelle esthétique. Il s’agit de filer au plus près de la réalité, et en particulier des personnages du film. Les cinéastes comme Perrault lorsqu’il tourne la pèche au marsouin dans Pour la suite du monde, ou comme Rouch lorsqu’il filme des transes en Afrique, ne sont nullement étrangers au réel qui se trouve sous leurs yeux. On pourrait même dire qu’ils en font partie. Au point de faire oublier leur présence, de ne perturber les personnages que le moins possible, en tout cas d’être parfaitement acceptés par eux. Dans Primary, Kennedy est filmé de si près, qu’on se croirait presque faire partie de son service d’ordre. Et comme ses supporters, on peut presque le toucher. Pourtant le cinéaste garde une certaine distance avec lui. Le film ne soutient ouvertement aucun des deux candidats. Il ne développe pas systématiquement leurs positions politiques. Au fond, il s’intéresse surtout aux hommes.

 

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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