B COMME BANLIEUE (commerce)

Alimentation générale de Chantal Briet, 2005, 84 minutes.

L’épicerie d’Ali pourrait être le centre du monde. Ce n’est que le centre d’une cité de banlieue. Mais c’est déjà beaucoup.

C’est même tout à fait essentiel pour les habitants de la cité. Le seul commerce ! Un lieu de rencontres. Où l’on peut boire un café en discutant. Où l’on peut passer le temps. Combler un moment sa solitude. Où trouver un accueil permanent pour ceux qui n’ont pas d’autre lieu pour continuer à vivre. Et même trouver quelques occupations, faire de la manutention ou livrer des commandes, ou simplement porter le panier d’une vieille dame. Et pour les gosses du quartier, c’est la caverne d’Ali Baba, avec tous ces bonbons qu’on achète par poignées pour quelques sous. Et tant pis pour les dents.

Chantal Briet dresse un portrait vivant et plein de sympathie pour tous ceux qui fréquentent la supérette d’Ali. En commençant par Ali lui-même. Toujours souriant, toujours à l’écoute de ceux qui ont besoin de parler un peu de leur vie. Toujours serviable pour tous ceux qui ont des soucis ou des problèmes de vie. Etre épicier ici, ce n’est pas seulement vendre du pain et des bonbons. C’est être quelque peu psy, ou conseiller, pour l’emploi ou la santé. C’est être aussi un père, ou un grand frère, pour tous ces enfants que la cinéaste filme elle aussi avec une si grande affection. Visiblement Ali les aime beaucoup, et tous aiment beaucoup Ali. Ali, chanteur à ses moments perdus. Mais ça, ce n’est pas pour le public.

Mais le film va bien plus loin que cette galerie de portraits déjà très instructive en soi. Car il s’agit aussi d’un portrait de la banlieue elle-même, une banlieue d’avant l’embrasement des émeutes. Un portrait qui ne cache pourtant les difficultés qu’il y a à vivre ici (la Source à Epinay-sur-Seine), comme ailleurs bien sûr, même si ce n’est pas pire qu’ailleurs. Pourtant, si l’on ne peut certes pas dire qu’il fait bon vivre ici, on peut quand même y percevoir des lueurs de bonheur, dans les rires des enfants d’abord, dans la chaleur de l’accueil d’Ali ensuite. Les difficultés, pourtant, sont nombreuses, et de toutes sortes. A côté des problèmes personnels, il y a ce qui touche la vie collective, surtout au niveau matériel, les imperfections de la réhabilitation des immeubles, le manque d’espaces verts et de tout autre aménagement, les ascenseurs qui sont si souvent en panne, ce qui oblige les personnes âgées qui vivent au 8° étage à ne plus descendre de chez elles, de peur de ne plus pouvoir remonter par les escaliers. Tout ceci est bien réel, mais le film ne dresse pas un tableau désespéré de cette banlieue. Ici il n’y a pas de drogue, entend-on dire. Et l’on ne voit jamais la police. Pas parce qu’elle a peur de venir. Simplement on n’a pas besoin d’elle, même si l’épicerie d’Ali a été cambriolée plusieurs fois. Mais Ali règle lui-même le problème.

Le film se termine par l’inauguration de le nouvelle épicerie d’Ali. L’ancienne était de plus en plus insalubre et il était impensable de ne pas la détruire. Un bouquet de fleurs, un cadeau, beaucoup d’émotions. Ali a du mal à retenir ses larmes. Que ces moments chaleureux sont réconfortants.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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