Fleurs sauvages, un film de Guillaume Massart
Des objets, surprenants. Toujours surprenants. Des objets bricolés, avec les moyens du bord. De la récupération. Des objets eux-mêmes « récupérés » en prison. Certains sont des cadeaux. D’autres des prêts. Tous viennent du milieu carcéral. Réalisés par des prisonniers pour la plupart. Ils ont d’ailleurs eu la chance de ne pas être confisqués lors de la fouille. Des objets qui ont donc une relation avec la prison, avec l’enfermement. Et surtout avec la liberté. Comme cette maquette de cellule qui ne peut être qu’une « tentative d’évasion de la vie quotidienne ». Une cellule miniature, un espace exiguë, avec ses couchettes entassées les unes sur les autres et sa cuvette des toilettes sur laquelle il est bien difficile de ne pas se cogner. Mais un univers, ou plutôt une représentation faite pour se sentir libre. Des objets toujours riches de sens donc. Des objets collectés par un anthropologue, Pierre-Jacques Dusseau (c’est le générique de fin qui le nomme) dont la spécialité est justement de travailler sur la prison, ou plutôt sur ceux qui sont en prison, qui vivent en prison, qu’ils soient incarcérés ou surveillants. Mais en dehors de la maquette, la prison n’est pas filmée. C’est l’anthropologue qui est filmé, chez lui, au milieu de ces objets provenant des prisons où il travaille.
Un anthropologue donc. Dont nous ne découvrons le visage que vers le milieu du film. Avant nous ne voyons que ses mains, manipulant les différents objets qu’il nous présente en voix off. Il se réfère beaucoup à Lévi-Strauss, à La Pensée sauvage, pour le bricolage. Mais aussi à Roland Barthes. Mais son discours n’est jamais pédant, ni même intellectuel. Sa voix est d’ailleurs toujours calme, chaude, sensuelle. Comme le contact physique avec les objets, même les plus minuscules, comme ce noyau d’olive sculpté pour devenir un sabot. Une personne attachante donc. Que le film rend particulièrement attachante.
Un film en noir et blanc. Sans doute parce que ces objets issus d’un univers d’enfermement ne sont pas en couleur. Ou parce que la vie en prison n’est elle-même pas très colorée. Un film qui cadre les objets en gros plan, d’une façon très photographique, même si la mise au point souvent visible est bien du côté du cinéma. Un film-rencontre. Un film qui pourrait n’être qu’un entretien (il y a quelques questions posées à l’anthropologue), mais qui est bien plus que cela. Car c’est avant tout un film-écoute. Un film qui donne toute sa place et tout son sens à la parole. Un film relativement court (c’est un moyen-métrage de 40 minutes) mais qui sait parfaitement filmer le plus de sens dans le moins d’espace possible, comme cette coquille de noix sur laquelle est sculptée une multitude de figure de Bouddha. Un film dont le titre, énigmatique pendant une grande partie du film, se révèle d’une grande charge poétique. Il est issu d’une dédicace de Claude Lévi-Strauss à un surveillant de prison : «… en me demandant si, parfois, des fleurs sauvages poussent entre les paves des prisons».
Cinéma du réel 2017, séances spéciales.