E COMME ECLIPSE.

Les Terriens, Ariane Doublet, France, 1999, 81 minutes.

            Il va faire nuit en pleine jour. L’éclipse de soleil annoncée sera totale, bien visible sur la côte normande où les falaises d’Etretat et de ses environ promettent un spectacle grandiose. La préparation de l’événement occupe la petite communauté rurale de la commune de Valletot sur mer que film Ariane Doublet. Il faut prévoir la distribution des lunettes adaptées pour pouvoir observer la disparition du soleil. Les habitants du village seront prioritaires et s’il en reste, on en donnera aussi aux  touristes. « On va être envahi ». Il faut organiser les parkings et prévoir les emplacements pour ceux qui vont camper. Tout cela se passe dans la bonne humeur. Et puis, ce n’est pas négligeable, c’est l’occasion de gagner quelques sous. Le seul, problème, c’est la météo. Et si le ciel était couvert. S’il pleuvait, on ne verrait rien. Ce serait la catastrophe.

            Les Terriens nous plonge pendant quelques semaines dans la vie calme et paisible de ces paysans normands, éleveurs de vaches à lait et cultivateurs de céréales. D’ailleurs, ils ne veulent pas être appelés des paysans, terme qu’ils trouvent quelque peu péjoratif. Ils préfèrent qu’on parle d’agriculteurs, ce qui est plus professionnel. Le film a ce rythme lent caractéristique de la vie rurale d’avant l’industrialisation de l’agriculture. Si dans une ferme, la traite est électrifiée, dans celle d’à côté elle reste manuelle et on fait toujours le beurre à la main, sur la table de la cuisine. Le boulanger et le facteur font leurs tournées à heure fixe. Et en dehors des périodes de grands travaux (les semailles, la moisson…) on accomplit les tâches quotidiennes à son rythme. Si l’on pouvait partir en vacances plus souvent, ce serait parfait. On se console en regardant l’album photos du voyage à Paris. Il y a combien de temps déjà ? Plus de dix ans ? Il faut bien un événement aussi exceptionnel qu’un éclipse totale de soleil pour introduire de l’inédit dans la vie. On en a beaucoup parlé avant. Le lendemain on en parle encore. Mais très vite, la routine reprend le dessus.

            Le film d’Ariane Doublet n’est pas une approche de la vie rurale rendant compte du travail des paysans et des difficultés que peuvent rencontrer les exploitations. Il s’agit simplement d’instantanés de cette vie, sans prétention d’en tirer des leçons. Le choix de construire le film autour de l’événement-éclipse écarte toute possibilité de regard ethnographique sur les personnes filmées. Visiblement, la cinéaste les connait bien tutoyant la majorité d’entre eux. Elle fait partie de leur monde. Un monde qu’elle filme sans qu’il y ait pour elle la moindre surprise. Du coup, nous avons tout le temps d’admirer les paysages, des champs de blé aux falaises de la côte. Un film qui n’a d’autre prétention que d’être simplement un film rural.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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