Sans frapper, Alexe Poukine, Belgique, 2019,
Un titre mystérieux, presque obscure, en tout cas polysémique. Un titre qui pose question donc. Qui fait se poser des questions.
Sans frapper, doit-on entendre « entrez sans frapper », sans s’annoncer, sans précaution, en toute liberté, comme si on était chez soi ?
Ou bien
Une intrusion, une effraction, un envahissement…
Ou bien
Sans violence

Le film d’Alexe Poukine repose sur une construction complexe. Plusieurs strates narratives qui se superposent, s’entremêlent aussi parfois, sans jamais se confondre pourtant, qui se répondent en écho. Un film polyphonique.

Un récit d’abord, qui se développe tout au long du film. Le récit d’un viol. Un récit écrit, sans fard, avec ses mots crus. Un récit précis, direct, écrit à la première personne, inévitablement chargé d’émotions bien sûr , de violence aussi, plus ou moins ouverte, mais toujours présente.

Ce récit est dit, verbalisé, interprété par plusieurs femmes qui se succèdent dans la continuité du film. Certaines reviennent à l’image après un temps plus ou moins long, pour reprendre le fil du récit, ajouter des détails ou préciser les suites, les conséquences de l’événement initial.

Ces femmes sont-elles des actrices ? Reprennent-elles à leur compte le vécu qui nous est narré ? L’ont-elles elles-mêmes vécu ? Sont-elles des porte-paroles ? De qui ? Des femmes victimes de violence certainement. Des femmes qui ont souffert de la violence des hommes, d’un homme. Des femmes qui ont été détruites dans leur sexualité par un homme.

Ce récit est oralisé, raconté et non lu, par toutes ces femmes, d’un même ton, presque neutre, évitant tout pathos excessif, récité sans hésitation, du moins dès que le fil en est lancé. Mais il faut s’assure que le récit sera dit sans défaillir, ce qui est particulièrement difficile. Au début du film, dans la première prise de parole, celle qui va lancer le récit va s’y reprendre à deux fois, s’arrêter au bout de trois mots, les reprendre après une respiration.

Qui pourrait rester insensible à un tel récit. Pas les femmes qui nous le présentent. Pourrait-elle en rester au simple rôle de comédiennes, ce qu’elles ne sont peut-être pas. Très vite elles vont intervenir dans le récit. S’impliquer par rapport à ce qu’il contient. Pas vraiment en le commentant. Plutôt en formulant les affects qu’il suscite.

Ce que nous dit le film c’est donc que toutes les femmes sont concernées par l’existence du viol, de la violence sexuelle, de toute forme de violence faite aux femmes. Et le cinéma est un outil non négligeable pour la dénoncer.