Madame, Stéphane Riethauser, Suisse, 2019, 93 minutes,
Une grand-mère, Caroline. La grand-mère du cinéaste, Stéphane. Présente dans la vie du cinéaste. Toute sa vie. Depuis sa petite enfance. Une grand-mère qui veille sur lui, comme un ange gardien. Une mamie gâteau. Une grand-mère aimante. Toujours là lorsqu’il a besoin de soutien, de réconfort. Dans chaque épreuve de sa vie.

Un hommage à cette grand-mère, adorée sans doute. Un exercice d’admiration presque. Un portrait en forme de remerciement. Sans elle, il ne serait jamais devenu ce qu’il est. Il ne serait jamais devenu cinéaste. Et il n’aurait sans doute pas réussi à affirmer au grand jour son homosexualité.

Le film est le récit en première personne de cette relation si forte avec une grand-mère hors du commun. Une forte femme, comme on dit. Dont la réussite professionnelle est exemplaire, malgré le handicap que représente pour elle le fait d’être femme.

C’est en même temps le récit d’une enfance dans une famille suisse bien traditionnelle, particulièrement étouffante pour ce garçon qui ne se sent pas tout à fait comme les autres. Un garçon docile pourtant. Résigné sans doute. Mais qui réussira pourtant à s’émanciper de cette oppression si forte qui devient de plus en plus difficile à supporter au fur et à mesure qu’il grandit, en traversant l’adolescence cahin-caha pour enfin s’affirmer pleinement, au moment d’entrer dans l’âge adulte en devenant militant de la cause LGBT, dénonçant inlassablement l’homophobie.

Un film sur la famille donc. Une saga recouvrant trois générations. Un film sur la famille européenne traditionnelle. Le film se déroule en Suisse, dans un contexte calviniste, mais peut tout aussi bien évoquer un milieu catholique, en France ou en Italie par exemple. Une famille qui repose sur des valeurs immuables, qu’il faut respecter sans broncher. Un milieu qui repose sur des conventions sociales qui finissent par devenir des préjugés et où le chef de famille, le père, a tous les pouvoirs.

Un film d’archives familiales. Les moments heureux surtout. Les fêtes familiales. Les jeux des enfants. Presque toujours souriants. Des images de bonheur. D’harmonie. Dans le respect de l’ordre établi. Sous la domination du père, dont le principe éducatif est de faire de son fils un homme, un vrai, qui pourra à son tour fonder une famille où il règnera en maître.

Un film sur la bourgeoisie genevoise, depuis le années 1920. Une bourgeoisie triomphante, sûre d’elle-même et se posant en modèle universel. Une bourgeoisie qui ne saurait imaginer être un jour remise en cause dans ses valeurs, dans ses fondements. C’est pourtant ce que fera Stéphane. En prenant position pour la cause des gays. Pour qu’enfin la différence soit acceptée. Et c’est ce qui en définitive fait la force du film. Montrer ce combat mené sans violence, sans démonstration de force, mais avec une grande détermination. Le signe d’un changement d’époque.
