Sete anos em maio (Sept années en mai). Affonso Uchôa, Brésil, Argentine, 2019, 42 minutes.
Dans l’incipit, un homme marche seul sur une route la nuit, une route faiblement éclairée, une voiture, une moto le croisent, l’éclairant un bref instant. Il marche, droit devant lui. Pour nous il n’a pas de but. On bien un secret. Peut-être qu’il fuit. Ou qu’il revient chez lui. La vision du film permettra peut-être de confirmer une hypothèse. Ou d’en formuler d’autres.

Sete anos em maio est un film de violence, sur la violence. Le film de la violence. Une violence aveugle, systématique, à laquelle il n’est pas possible d’échapper. La violence exercée par des policiers corrompus qui, parce qu’ils sont armés, peuvent rançonner ceux qui tombent entre leurs mains. Et les tabasser, les battre à mort. En ne leur laissant aucune chance.
Le film propose trois séquences distinctes qui disent à leur façon cette violence.
La première est une reconstitution de « l’action » de ces policiers, ou faux policiers peu importe, leur façon d’agir. Le passage à tabac n’est pas représenté. La violence ici n’est que verbale. Comme dans tout le reste du film d’ailleurs. Mais on sent bien qu’il va venir. Qu’il est inévitable. Que la victime n’a aucun moyen de se défendre, ou de s’échapper. Le piège est sans faille.

La deuxième séquence comporte un long plan séquence, le récit filmé en plan rapproché, du récit de cette violence par une de ses victimes. Un récit presque monotone, monocorde en fait, malgré les multiples détails qui le composent. L’homme, jeune, qui n’a pu échapper au filet tendu par ses assaillants, qu’en partant loin, en quittant sa famille, pour essayer de disparaître dans la grande ville, Sao Paulo. Mais le remède n’est-il pas pire que le mal ? La suite du récit est celui de la déchéance. Le fuyard tombe dans la drogue et son cercle infernal. Il n’y a plus d’issue. Intervient alors un deuxième personnage, lui aussi victime de la même violence, et qui instaure un dialogue avec le premier. Il serait donc possible de ne pas rester seul dans une position désespérée ? De trouver un appui, de l’aide peut-être. Une perspective de résistance collective ?

La troisième séquence peut le laisser entrevoir. Mais souligne aussi que le chemin sera long, et incertain. Il s’agit d’une sorte de jeu, mais qui bien sûr n’a rien de vraiment ludique. Face à un policier qu’on ne verra qu’une fois, un groupe de femmes et d’hommes doivent répondre à ses ordres. « Vivo », ils doivent être debout. « Morto » ils doivent s’accroupir. Les ordres sont lancés sur un rythme de plus en plus rapide, avec des interruptions imprévisibles. Ceux qui se trompent, qui anticipent à tort un des ordres, sont éliminés (pour être exécutés ?). A la fin il ne reste plus qu’un seul homme dans le champ de la caméra, seul dans cet espace indéterminé où le sort de tous s’est joué. Seul, mais debout. Et il reste debout, droit, dans bouger, malgré l’ordre « morto, morto, morto… » Un plan qui sauve l’humanité.

Vision du réel 2019
Compétition Cinélatino, Rencontres de Toulouse 2020


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