J COMME JUNGLE – Paris

Jungle. Louise Mootz, France, 2020, 52 minutes.

Il faut une certaine audace – ou un brin d’insolence – pour choisir un tel titre pour un film qui ne se passe pas à Calais et qui ne concerne nullement les migrants. Nous ne sommes pas non plus dans le désert ou la savane et il n’y a ni lion ni gazelle. Dira-t-on alors qu’il s’agit d’un titre métaphorique qui documente, avec une prétention ethnologique ou sociologique, une faune urbaine particulièrement sauvage. Non. Le film de Louise Mootz n’est pas si simpliste.

Nous sommes à Paris, dans l’est de la capitale, du côté de Gambetta ou Stalingrad. Pas les beaux quartiers. Mais pas vraiment la banlieue non plus. Pas grand-chose ici n’évoque le 93. Un Paris vivant, coloré, lumineux même la nuit. Surtout la nuit. Un Paris où les jeunes affichent leur différence, leur dynamisme et leur joie de vivre. Enfin, une certaine forme de joie de vivre. Faite d’insouciance dans doute. Les problèmes d’avenir, il sera bien temps de les aborder plus tard.

Elles ont autour de 20 ans. Au sortir de l’adolescence il est temps de devenir adulte. Mais il n’y a pas urgence ! Un groupe d’amies, de filles qui se connaissent depuis toujours, mais qui commencent aussi à avoir leur vie propre. Un groupe mais qui n’est pas souvent réuni. Le film passe de l’une à l’autre, presque comme un film choral. L’incipit les présente tour à tour et le générique de fin reviendra sur leur identités. Mais l’unité ne réside pas seulement dans les lieux où elles vivent. Elles ont les mêmes préoccupations, le même style de vie. On les confondrait presque dans la nuit de la ville.

Leur souci premier est celui de leur apparence physique. Le maquillage (dès les premiers plans) et la coiffure. Pas de doute, le bleu est bien une couleur chaude. Une coiffeuse professionnelle peut facilement vous changer de tête. Et un peu de personnalité. Dans les discussions, le sexe revient sans cesse. L’amour, la vie de couple et l’homosexualité aussi. Elles parlent donc des garçons, qui ne sont là bien souvent que comme faire-valoir. Dans les boites pourtant la nuit, lorsque tout le monde suit le rythme de la musique, il n’y a pas de barrière ni de distinction entre les genres, et les trans se confondent avec tous les autres.

Le rythme du film épouse parfaitement le rythme de la vie de ces filles qui aiment jouer (viser les gens dans le métro avec un gun) et surtout rire, rire bruyamment, à gorge déployée, sans retenu, tout au long du film. Une ambiance de dérision bien souvent. Mais le sérieux existe quand même, lorsqu’il s’agit de faire le test du sida ou lorsque l’on parle avec sa mère.

La recherche sur les images est incessante. Dans les cadrages et le montage bien sûr. En particulier les plans sur le métro sont souvent originaux. On a même droit à un voyage entre deux stations dans la cabine du conducteur. La bande son aussi est très travaillée et pas seulement dans le choix des musiques qui nous donne un bon aperçu de ce que les jeunes écoutent aujourd’hui.

Un film trépidant. Un film d’aujourd’hui.

Une cinéaste à suivre.

Visions du réel 2020.

Sesterce d’argent
Meilleur moyen métrage

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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