La maison en plastique. Allison Chhorn, Australie, 2020, 46 minutes.
Un film de deuil. Non, plutôt le film de la résilience.
Après la disparition des parents – accidentelle, donc subite, imprévue, d’autant plus difficile à supporter, puisqu’on peut toujours penser qu’elle aurait pu être évitée – continuer à vivre.
Vivre avec cette absence. Au-delà des cérémonies qui ont dû permettre de faire le deuil. Vivre au jour le jour, dans le présent. Et non en se tournant sans arrêt vers le passé.
Travailler pour vivre. Pour continuer à vivre. Malgré tout.

Ici c’est la reprise de la serre familiale, une grande « maison » en plastique, où poussent des haricots, où sont cultivés, avec soin, des haricots.
Le film nous montre le travail de la serre au fil des saisons. En automne les tiges et les feuilles sont sèches. Puis il faut semer les graines (un seul plan montrera ce haricot mis en terre). Puis au printemps la végétation devient de plus en plus exubérante, le vert envahit l’écran, jusqu’à la récolte. Et le cycle peut recommencer. Imperturbable.

La mort des parents, c’est le début de la solitude.
La Maison de plastique est le film de la solitude. Une solitude filmée avec beaucoup de force, même si cela paraît tout simple au fond. Mais une sensibilité extrême.
La solitude c’est le silence. Le film n’est pas muet, ni silencieux. Il y a toujours des bruits de fond. Comme s’il y avait à proximité un axe de grande circulation. Un bruit relativement étouffé par la serre et le plastique, mais bien présent, en continu.

De tout le film il n’y a pratiquement pas de dialogue. Juste deux bribes d’une conversation téléphonique avec une tante. Juste de quoi garder un minimum de contact social.
Le reste du temps, la jeune fille travaille seule. Elle est filmée seule. Elle est souvent vue de dos, lorsqu’elle se coiffe par exemple. Ou bien elle est pratiquement cachée par les feuilles de haricots qui grimpent dans la serre. Beaucoup de plans sont des vues subjectives. Lorsqu’elle enlève ou met ses gants de travail. Ou lorsqu’elle se déplace en voiture. Une solitude accentuée le soir, lorsqu’elle écoute de la musique au casque assise par terre, et donc vue en légère plongée. Deux plans s’arrêtent sur les draps de son lit. Un drapé froissé (on pense au travail de Georges Didi-Huberman sur la Ninfa), au teint bleuté parce que filmé la nuit, qui contraste avec le vert des feuilles de haricots filmées le jour.
Une solitude infinie, comme la perte définitive des parents.

Et pourtant la vie continue. Avec ses vicissitudes, ses événements, ses accidents. Un orage terrible détruit la serre. Il ne reste plus que des lambeaux de plastique qui flottent au vent. Il faut reconstruire la maison, pour pouvoir reprendre la culture.
Une maison en plastique bien fragile. Comme le souvenir des parents disparus. Une maison qu’il est toujours de reconstruire et de faire revivre par le travail. Concernant les parents, la mémoire est indestructible.
Visions du réel 2020.
