Phobie-scolaire : le burn-out de l’enfance. Anne Mourgues, 2020, 52 minutes.
Ils ne peuvent plus aller à l’école. Cela leur est devenu impossible. Fondamentalement impossible. Pas un simple caprice. Pas cette boule au ventre que beaucoup d’enfants ressentent les jours de rentrée par exemple. Ou cet ennui que tant d’autres connaissent dans les salles de classe. Des enfants, dès la maternelle parfois. Des adolescents qui, arrivés en terminale parfois pour certains, subitement ne peuvent plus continuer. De tout âge donc. De toute origine sociale aussi. Des cas qu’il ne faut surtout pas confondre avec le décrochage, cette sorte de ras le bol qui pousse à essayer d’échapper aux contraintes scolaires et qui se traduit surtout par un échec généralisé dans les apprentissages. La phobie est d’un autre ordre. Du côté du désespoir. Du côté de l’impossibilité de vivre à l’école.

Dans la première partie du film, la cinéaste rencontre ces jeunes qui connaissent – ou ont connu – ce qui de toute façon est un drame, un drame familial, un drame social aussi, et qui pousse à se couper du monde, à rester dans sa chambre, dans son lit, à tout faire pour ne pas aller à l’école, jusqu’à se cogner la tête contre les murs, jusqu’à sauter par la fenêtre. Des jeunes qui disent leur souffrance, simplement, sans chercher à trouver des explications. Parfois pourtant, on peut bien évoquer des raisons, comme cet ado qui dit avoir été harcelé pendant deux ans. Mais le plus souvent, il est presque impossible de trouver une cause, ou, si l’on peut trouver un fait déclencheur, il reste factuel. Le plus important est ailleurs.
Puis le film donne la parole aux parents. Tous parlent avec une grande sincérité de ce qui fut – et qui est toujours – une épreuve terrible. Tous reconnaissent avoir fait des erreurs. Parce qu’au début ils ne comprenaient pas. Parce qu’ils ont toujours été très long à reconnaître qu’il s’agissait d’une véritable pathologie et qu’il fallait faire appel à un spécialiste. Comme ce thérapeute que nous voyons recevoir cet enfant de cinq ans et qui lui propose des séances de jeu.

Ces parents, rencontrés aux quatre coins de la Normandie, se sont organisés en association pour être un véritable interlocuteur de l’institution scolaire. Une institution qui est souvent dépassée par les cas les plus douloureux, traités parfois comme un simple absentéisme, bien que certains chefs d’établissement et surtout les infirmières commencent à prendre conscience de la gravité de certaines situations et essaient de venir en aide aux parents. Une association où surtout, ces parents souvent désespérés, peuvent se rencontrer, parler entre eux -dans des groupes de parole par exemple – de leur situation, trouver un soutien, ne plus être seul face au problème.
Le film d’Anne Mourgues est une alerte. Il met le doigt sur des situations souvent extrêmes, mais qui demandent à ne plus être considérées comme de simples accidents de parcours qui finiront bien par s’arranger. Les ados que nous rencontrons dans le film peuvent très bien repartir dans la vie et trouver une place dans la société. Mais ils resteront sans doute marqués par la souffrance qu’ils ont connue. Ceux-là ont eu la chance de pouvoir être aisés. A l’évidence ce n’est pas le cas de tous. Il reste beaucoup à faire dans ce domaine.