Hikikomori, les reclus volontaires. Michaëlle Gagnet, 2020, 65 minutes.
Ils s’enferment à clé dans leur chambre, se coupant du monde, tant la pression sociale leur est insupportable. Et cela peut durer des mois, des années. Sans sortir. Des ados ou de jeunes adultes. Ils ont renoncé aux études, au travail. Ils passent leurs journées à dormir ou à jouer à des jeux vidéo. L’ordinateur peut être leur seul compagnon. Mais ils ne s’en servent pas vraiment pour communiquer.

Ce phénomène – désigné sous le nom de Hikikomori qui signifie se cloitrer – est apparu au Japon dans les années 90. Depuis il a gagné le monde entier. En France on estime qu’ils sont des dizaines de milliers et ils dépasseraient le million au Japon.

Peut-on trouver une cause à une telle conduite ? Le film de Michaëlle Gagnet ne cherche surtout pas une explication univoque. Pour certains un harcèlement scolaire, ou des agressions sexuelles en particulier, peuvent être considéré comme un déclencheur. Maus au fond, il n’y a pas de réponse à la question.

Le film a le grand mérite de donner la parole à certains de ces reclus volontaires. Raphaël n’est pas sorti de se chambre depuis deux ans. Un cas banal en somme. Ael, lui, vit sans une cabane dans le jardin de son père depuis 14 ans. Il a créé un forum sur facebook où 1700 membres expriment leurs sentiments. Un début de reprise de contact avec la société. Lucas a été hospitalisé sous contrainte (sans son consentement) dans un service psychiatrique de l’hôpital Sainte Anne à Paris. Le traitement qu’il y suit ne peut être que long et incertain dans son issu.

Ces cas sont toujours des situations extrêmement douloureuses pour les parents. Une mère exprime clairement ses deux interrogations fondamentales. Est-elle responsable ? Et qu’est-ce que son fils va devenir lorsqu’elle ne sera plus là pour s’occuper de lui ? Ce qu’elle veut c’est qu’il soit heureux et elle est prête à tout accepter pour cela. Mais comme tous ceux que l’on rencontre dans le film, elle est contrainte à une constante remise en cause d’elle-même.

Enfin, le film se penche aussi sur la dimension psychiatrique du problème, un problème qui doit être considéré comme un symptôme, cachant peut-être une maladie mentale. Le film fait une grande place à une psychiatre de Saint Anne, Marie-Jeanne Guedj, que nous voyons soutenir les parents et surtout essayer de nouer un contact avec Raphaël. Le fait qu’il accepte qu’elle revienne le voit est déjà une victoire. Un premier pas en fait qui ne garantit en rien un succès futur.

La dernière partie du film – et ce n’est pas la moins intéressante – est tournée au Japon. Un ancien hikikomori – mais ne le reste-on pas à vie – a créé un foyer (New Start), qui propose à ses locataires des activités quotidiennes simples, comme la cuisine, pour les faire sortir de leur chambre. De là, certains vont même s’aventurer dans me super marché du coin. Une séquence résolument optimiste.

Pourtant, la situation des hikikomoris au Japon est loin d’être résolue. Certains vivent reclus des dizaines d’années. Le phénomène finit par passer de plus en plus inaperçu dans la société. Au point où des cas de « mort solitaire » deviennent des plus en plus fréquents. Des morts dont personne ne s’aperçoit, et qui ne sont découvertes que parce que l’odeur finit par alerter les voisins.
Un premier colloque international s’est tenu à Saint Anne. « Le phénomène sort du silence. Il faut continuer ». Le film contribue efficacement à cela.