Three landscapes. Peter Hutton, Etats Unis, 2013, 47 minutes.
Un film sans son. Entièrement silencieux. Sans voix, sans musique, sans bruitage. Même pas le bruit du vent dans les arbres ou les hautes herbes que l’on voit pourtant bouger. Un film d’images à voir donc, à admirer, à contempler peut-être. Sans être perturbé, ou diverti. Sans diversion, sans digression possible. Des images, que des images.

Trois paysages différents. Sans point commun apparent. Pour lesquels on peut faire des rapprochements, des comparaisons, des confrontations. Le vert des cultures versus le jaune du désert. Les hommes versus les machines ou les dromadaires. La terre (désertique ou cultivée) par rapport au ciel. Des paysages pleins contrastant avec un espace vide.
Mais ces images, on peut aussi les voir pour elles-mêmes. Simplement comme des images de cinéma. Et ce serait alors comprendre ce film comme étant un rappel d’une évidence première. Le cinéma c’est d’abord l’image, l’image muette, en mouvement sans doute, mais aussi des images temps (Deleuze). Ici des images qui ne sont même pas belles, qui ne cherchent pas à faire joli. Qui ne sont qu’un cadrage d’un espace, c’est-à-dire un choix de ce que le cinéaste veut faire voir, éliminant tout le reste.

Ainsi pour le paysage d’usines, ou de fragments d’usines, plus ou moins désaffectées, des restes de l’industrie. Des plans fixes ou où il y a très peu de mouvement. Les cheminées crachent leurs fumées. Mais elles se confondent presque avec le gris du ciel. Sauf quelques volutes blanches, qui dérivent de droite à gauche de l’écran, cachant presque par moment les cheminées. Un flot ininterrompu. Qui pourrait durer l’éternité. Si ce n’était, l’apparition d’un être humain, un homme, comme suspendu dans les airs, montant sur ce qui n’est pas une échelle, une rampe plutôt sur laquelle il doit bien y avoir des marches, mais elles ne sont pas visibles. Il progresse de gauche à droite sur ce plan incliné pour disparaître dans l’hors-champ droit. Il est alors remplacé par un autre homme à gauche, mais qui ne reste pas longtemps dans le champ puisqu’il retourne dans le hors-champ gauche d’où il venait. Un troisième homme est alors filmé au milieu de la rampe – la rampe supérieure, car en fait il y a deux rampes, la seconde, n’étant à aucun moment parcouru par un être humain en mouvement. Il progresse vers la gauche déplaçant un objet qu’on peut penser être un saut. Il fait des poses à intervalles réguliers, accomplissant une action non identifiable, avant de disparaître à droite. On restera alors longtemps sur les deux rampes vides suspendues dans le ciel.

Deuxième paysage : la campagne, les champs ou plutôt des prairies. Le ballet des tracteurs qui retournent le foin coupé. Ici les machines dominent comme cette énorme bouche qui vomit des meules de foin.
Enfin le Désert. Le sol en premier plan, aride, rocailleux. Et en arrière-plan, les hommes et les dromadaires d’une caravanes à l’arrêt. Un zoom avant nous permet de nous rapprocher de cette vie. Puis des plans isolent des hommes au travail, découpant des plaques de sel.
Décidément les paysages sont des ressources inépuisables pour le cinéma. Surtout s’ils mettent en valeur le travail des hommes.