Hinterland. Marie Voignier. 2009, 49 minutes.
Un énorme dôme d’acier s’élève sur l’immensité plate et vide de la campagne à 70 kilomètres de Berlin. Il abrite une île tropicale, avec sa mer, sa plage, des cocotiers et les petites cabanes pour héberger les touristes. Des touristes de tous les pays, mais surtout des allemands et des polonais. Le triomphe du tourisme moderne. Des vacances au soleil et dans la chaleur d’un été éternel pour ceux qui vivent dans le froid et le brouillard.

Marie Voignier filme ce projet titanesque de façon très simple, sans effet grandiloquent, comme s’il s’agissait d’un village de vacances comme il peut en exister un peu partout dans le monde. Des panoramiques très lents sur la végétation, des travellings avant dans les allées comme si on effectuait une simple promenade à pied ou des plans fixes sur l’étendue d’eau d’un bleu uniforme se confondant avec celui du ciel où les nuages sont immobiles, toujours à la même place. Pas de bruit, pas de cris ou d’éclats de voix, tout est fait pour le repos et la détente, ce que ces images si banales évoquent parfaitement. Elle retrace l’historique du projet grâce à des interviews des principaux responsables actuels. Du temps de la RDA, il y avait là un immense terrain d’aviation. Puis, après la chute du mur, une entreprise transforma les entrepôts en usine de fabrication de zeppelins. Un projet déjà de grande ampleur mais qui ne résista pas à une forte tempête destructrice. Puis vinrent les promoteurs touristiques et leur réalisation semble maintenant parfaitement viable économiquement. Ce dont se réjouissent les membres de la direction interrogés, ajoutant au passage l’évocation d’une philosophie d’entreprise pacifiste et d’un hédonisme quelque peu naïf.

En contre-point de la douceur acidulée de Tropical Island, la cinéaste filme le village tout proche avec ses rues et son épicerie bureau de tabac qui sont restées identiques à ce qu’elles étaient avant. Deux vieilles dames, qui parlent parfois en même temps, évoquent ce changement dans leur paysage quotidien. L’île, elles y sont allées quelques fois avec leurs petits-enfants, mais pas question de s’y baigner.

Hinterland montre sur cet exemple concret les évolutions de l’Allemagne réunifiée. En dehors de l’arrivée des cars de touristes rien ne semble avoir vraiment changé pour la population. Le rêve et l’illusion d’un côté, mais de l’autre la réalité n’est pas toujours aussi réjouissante, comme le prouve l’évocation par le pasteur du village du passage à tabac de son fils par des jeunes se réclamant de l’extrême droite. L’Allemagne a encore ses vieux démons.
