B COMME BOXE

Boxing Gym. Frederick Wiseman, Etats Unis, 2010, 91 minutes.

         Boxing Gym est une immersion dans une salle de boxe à Austin au Texas. La boxe, il ne s’agit certes pas d’une des grandes institutions américaines, de l’hôpital à la justice en passant par l’éducation, dont Wiseman a su montrer le fonctionnement rien qu’en plaçant sa caméra au cœur de leurs activités. Pourtant, si ce nouveau projet n’a pas à priori une dimension universelle, il se situe quand même dans la ligne du cinéma de son auteur en abordant la vie de tous les jours et les questions qui en découlent pour tout un chacun : que faire de ses loisirs ; quelle est l’importance du corps et du physique dans la vie ; quel sens donner aux relations sociales.

         La salle de boxe que filme Wiseman, le Lord’s gym, est un petit club que fréquente in bon nombre d’américains moyens dont les différences sautent immédiatement aux yeux. Qui sont-ils dans leur vie personnelle, familiale, professionnelle ? Quelle est leur motivation vis-à-vis de cette pratique qui est pour certains un sport, pour d’autre une activité physique comme une autre, pour d’autres encore un simple passe temps. Comme d’habitude, Wiseman ne nous en dit rien. Il laisse le spectateur découvrir petit à petit les éléments constitutifs de cette diversité, caractéristique de la société américaine. Des hommes, des femmes ; des jeunes et des moins jeunes ; des enfants et des adolescents ; des blancs, des noirs ; des sportifs et d’autres qui le sont visiblement beaucoup moins. Wiseman nous les montre tous de la même façon, sans privilégier aucun trait, aucun particularisme, mais en les filmant chacun dans leur spécificité, dans leur unicité pourrait-on dire. En ne sachant rien d’eux au départ, le spectateur va pouvoir appréhender lui-même leur dimension personnelle, non pas uniquement leur épaisseur psychologique comme on dit, mais plus fondamentalement leur réalité humaine.

         Il y a quand même dans le film un personnage central, Richard Lord, le patron du club, ancien boxeur qui a trouvé là un bon moyen de reconversion. Il constitue le fil rouge du film, par la façon dont il accueille les membres du club, entretenant avec la plupart des relations amicales qui dépassent nettement le seul rôle d’entraineur ou d’éducateur physique. Une longue séquence nous le montre inscrivant un nouveau membre, Sans que Wiseman intervienne en quoi que ce soit, il mène un entretien comme beaucoup de cinéastes voudraient bien en inclure un dans leurs films. Par ses questions simples, ses silences, ses relances qui n’en ont pas l’air, il permet peu à peu à la personne en face de lui de dévoiler quelques fragments de son intimité abordés par la caméra sans aucun voyeurisme. Une telle séquence peut à elle seule caractériser le cinéma de Wiseman.

         Dans le film il y a aussi la boxe et toutes les activités physiques qu’elle permet, du ring au sac de sable dans lequel il frapper et frapper encore, en passant par la corde à sauter. Wiseman filme tout aussi patiemment, sans effets spectaculaires, la dimension répétitive de tout cela. Il ne cherche pas à créer une symphonie des corps. Simplement sa caméra enregistre tous ces mouvements qui souvent se répètent à l’identique, de façon quasi mécanique, mais que l’art du cinéaste transforme en expression personnelle.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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