R COMME REFUGIES – Campements parisiens.

Bariz (Paris), le temps des campements. Nicolas Jaoul, 2020, 70 minutes.

Stalingrad, Gare du nord, La Chapelle, l’église Saint Bernard, la halle Pajol, le bois Dormoy, Château Landon, le jardin d’Éole, des lieux qui riment avec réfugiés, des quartiers de Paris où ils se sont installés – où ils ont tenté de s’installer – dans les rues, sur les trottoirs avec des matelas pour la nuit, dans des squares sous des tentes. Des espaces urbains où, n’ayant nulle part où aller, ces Africains (Soudanais ou Érythréens) fuyant la guerre dans leurs pays, se retrouvent entre compatriotes, avec leurs compagnons d’infortune.  La ville alors prend un autre visage, complétement inédit, en rupture avec les normes urbanistiques et architecturales. Nous sommes en 2015, pendant l’été. L’histoire retiendra sans doute l’appellation officielle -officialisée par les médias – de crise des réfugiés.

La première séquence du film propose une discussion entre une femme blanche et un réfugié soudanais, un entretien qui n’est pas dans sa forme destiné uniquement à la caméra. L’homme et la femme – qui parle la langue de son compagnon – « visitent » (ce n’est pourtant pas du tout du tourisme) les espaces où il a vécu, dans un campement de réfugiés, un lieu où il a pu trouver un peu de repos, avec la solidarité de ceux qui, comme lui, ont connu tous les dangers, en Libye, en Méditerranée, aux frontières de l’Europe, pour venir déposer une demande d’asile dans le pays des droits de l’homme. Un lieu dont, comme tous, il sera chassé.

Dès ce premier contact avec la réalité des réfugiés, le problème est posé : accepter un hébergement en foyer ou rester dans la rue. Pour le Soudanais – qui cette fois s’adresse directement au cinéaste, le chois s’impose de lui-même. Même si les conditions de vie dans la rue sont difficiles, elles sont préférables à ces foyers où il faut subir le comportement arbitraire et autoritaire des fonctionnaires qui y travaillent. A plusieurs reprises dans le film, la critique de ces foyers sera développée par les réfugiés, ka saleté des douches par exemples qui pousse à se questionner sut l’hygiène des lieux. Mais, est-il possible de rester longtemps vivre dans la rue à Paris ?

Le film est construit alors en deux parties successives : la confrontation avec la police et les « visites », qui seraient presque touristiques cette fois, des autorités ou de leurs représentants.

La police est mobilisée pour évacuer les lieux occupés, le square Saint Bernard par exemple. Les premières interventions essaient d’utiliser la persuasion. Mais très vite, les choses deviennent plus agressives. Le recours à la force devient alors systématique. Le film va nous plonger dans les manifestations de soutien. Des manifestations filmées au cœur même de l’action, parmi les réfugiés et les membres des associations qui les soutiennent. La caméra est extrêmement mobile. Le filmage devient de plus en plus heurté, désordonné, à mesure que la répression policière augmente, jusqu’à ce plan choc, réalisé au ralenti, un plan bref mais d’une grande violence, où les policiers chargent, boucliers en avant, le groupe de réfugiés en face d’eux.

Les représentants de la mairie de paris sont venus se rendre compte de la situation0Ils écoutent les revendications des réfugiés, la demande de conditions d’accueil satisfaisantes, au niveau de l’hébergement et de la nourriture – et la possibilité de déposer une demande d’asile. Quelles réponses sont apportées ? On a l’impression que ce qui compte avant tout pour les autorités, c’est de pouvoir évacuer les rues, de disperser les réfugiés dans des foyers et le plus possible en banlieue. Des bus sont affrétés pour cela. Les espaces des anciens campements sont nettoyés à grande eau. Mais les problèmes des réfugiés n’en seront pas résolus pour autant.

Le cinéma documentaire s’est beaucoup intéressé aux réfugiés et aux migrants, dans la jungle de Calais particulièrement. On se souviendra longtemps des extraordinaires films de Sylvain George (Qu’ils reposent en révolte) ou de Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval (L’Héroïque lande, la frontière brûle). Le film de Nicolas Jaoul nous rappellera, lui, que Paris aussi a été une jungle pour les réfugiés.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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