After work. Julia Pinget, 2020, 60 minutes
Deux usines en face l’une de l’autre dans le même espace industriel. Un face à face ? Une confrontation ? Une mise en perspective ? Une comparaison.

Deux usines anciennes, faisant partie du patrimoine industriel de la région. Mais quand la situation de l’industrie évolue, quand on parle licenciements, redressement judiciaire, liquidation, repreneur, comment vont-elles réagir ? S’en sortiront-elles de la même façon ? Ont-elles les mêmes atouts dans leur jeu, les mêmes chances ?

Une papeterie et une forge. L’une produit, ou plutôt produisait, du papier. L’autre de l’aluminium. La papeterie a été la première à fermer, à devenir une friche industrielle, des bâtiments désertés, comme en ruine. Les forges poursuivent tant bien que mal leur activité. Pour combien de temps encore ?

Au départ, il peut sembler que la situation des deux entreprises est très proche, voire identique. Elles vont avoir à faire face inévitablement aux restructurations industrielles. Mais très rapidement leur destin diverge. Et on en vient très vite à une opposition entre deux modèles économiques. Les solutions mises en œuvre n’ont plus rien de commun. Sauf peut-être un seul point, une seule certitude : ne rien faire équivaut à un arrêt de mort.

D’un côté on aura une opération immobilière. De l’autre une opération sociale.
La papeterie est la première à fermer. Mais assez vote un investisseur est intéressé, non par la reprise de l’entreprise, mais par son bâtiment. Un projet de réhabilitation est lancé. Et nous allons suivre les travaux (gigantesques, on ne garde que trois façade) en même temps que les réunions, en petit comité, des dirigeants, mettant sur pied d’un nouveau concept, une nouvelle société, consacrée à l’image, à la création graphique et numérique. Plus rien à voir avec l’ancienne papeterie.

A la forge, c’est tout autre chose. Tout en continuant la production d’aluminium, le projet d’une Scop est lancé, rassemblant les ouvriers reprenant à leur compte les rênes de l’entreprise. Ici, les réunions rassemblent l’ensemble des salariés. On expose les conditions de fonctionnement et les risques pris. On discute, on doute, on s’enthousiasme. Ici il n’y a pas de paillettes, de musique techno comme dans l’inauguration en face, ici on ne prend pas le café en arborant une perruque colorée et farfelu. Ici on travaille comme on l’a toujours fait, sans publicité, sans ostentation. Avec l’inquiétude grandissante d’un avenir incertain.

Le film pratique systématiquement, et de façon très efficace, le montage alterné. On passe d’un côté à l’autre de la rue sans signe visible du changement de lieu. Mais on ne peut se tromper. Il n’y a pas grand-chose de commun visuellement entre les deux lieux. Le jeu de contrastes est de plus en plus poussé. Sauf qu’il y a un perdant, la Scop, lâchée par les banques. Alors que du côté de l’image la fête bat son plein, côté forge, une misérable affiche sur la grille d’entrée en appelle au président de la République et lance un appel à repreneur.
Traces de vie, 2020.