Mirage à l’italienne. Alesandra Celesia. France, 2012, 87 minutes.
Turin – Alaska. Ne faut-il pas être un peu fou pour quitter l’Italie à destination d’un pays où les glaciers se jettent dans la mer sur la simple promesse d’y trouver du travail ? Mais lorsque la vie est devenue cette impasse de laquelle il est impossible de sortir, alors c’est avec cette énergie du désespoir (ici ce n’est plus un cliché), que l’on peut tout quitter, partir sur la foi d’une annonce publicitaire, sans se poser trop de questions sur ce qu’on trouvera à l’arrivée. L’Alaska, terre promise ? Le film ne joue pas sur le suspens. Le titre suffit à dire de quoi l’avenir est fait

Mirage à l’italienne se compose de deux parties bien distinctes en fonction de la distance géographique. L’Alaska n’a rien à voir avec le nord de l’Italie. D’un côté le gris et la désespérance. De l’autre, la forêt et l’appel de la nature. La partie turinoise, la plus longue, peut être considérée comme un film choral. Par petites touches nous découvrons ceux qui feront partie du voyage. Ivan, l’ancien militaire qui étouffe dans son véhicule de livreur et qui n’a plus que sa grand-mère qu’il ira veiller la nuit à l’hôpital. Dario lui, travaille dans un garage et souffre de devoir sans cesse cacher son homosexualité. Giovanna, ex-toxico, enregistre messages sur messages à ses enfants sur un dictaphone. Camilla voue un culte sans borne à Marlène Dietrich à qui elle s’efforce de ressembler. Riccardo, enfin, le seul dont la situation professionnelle n’est pas précaire, mais qui a vu sa vie anéantie par la mort de son fils. Nous découvrons leur vie et leur âme, des instantanés pris sur le vif, qui se succèdent sans lien apparent, mais qui se révèleront peu à peu des éléments fondamentaux de leur personnalité et de leur histoire. Ces portraits pointillistes prendront tout leur sens dans la seconde partie du film, en Alaska, dans cette petite ville côtière où ils finiront par se découvrir eux-mêmes.

« Vous cherchez du travail. L’Alaska vous attend » dit une publicité placardé sur les trams de Turin. Et elle en attire plus d’un. Au point de devoir mettre en place des entretiens de sélection que nous suivons en alternance avec les séquences prises dans l’intimité des candidats. Leur point commun, c’est la volonté de fuir leur situation, leur pays. La nécessité ressentie de se fuir eux-mêmes. « Moi j’ai la rage » ; « J’en ai ras le bol de ce pays » ; « Maintenant, l’Italie c’est mort » ; Les formules qu’ils emploient constituent une longue litanie sans nuance. L’un d’eux prévient même : « Mon casier judiciaire est vide pour l’instant, mais ça risque de ne pas durer. » Les petits boulots ne permettent même plus de payer les factures. Alors, pourquoi pas l’Alaska. Une nouvelle forme du rêve américain ? Même pas ! Ils sont prêts à partir, le plus loin possible. Mais en fait, ce ne sont pas des migrants. Des naufragés du monde occidental plutôt. Près à saisir la première bouée qui passe à leur portée. Si côté boulot, rien ne sera résolu, le seul fait d’être parti est déjà un sauvetage.

En Alaska il fait froid, mais les paysages sont magnifiques. Et la splendeur de la nature sauvage permet de trouver une nouvelle raison de vivre. Resteront-ils ? Peu importe. La fin du film reste ouverte. Mais pour aucun d’eux, ce voyage n’aura été un échec.