Cinéaste français (1917 – 2004)
Jean Rouch n’est pas devenu ethnologue parce qu’il était cinéaste, il est devenu cinéaste parce qu’il était ethnologue. Le cinéma, il le découvrit un peu par hasard, comme outil de l’ethnographie. Le premier film de Rouch (Au pays des mages noirs, 1946) fut donc un film ethnographique, comme certains de ceux qui suivront, en particulier Les Maîtres fous, le film auquel il doit d’être connu au-delà du cercle étroit des spécialistes de m’ethnologie. L’ethnographie, il ne l’abandonna pas vraiment après avoir découvert le cinéma. Ses compétences de spécialiste en ce domaine sont reconnues officiellement par l’obtention d’une thèse de doctorat sous la direction de Marcel Griaule. Mais découvrant le cinéma en Afrique, Rouch deviendra cinéaste, bien au-delà de la simple perspective du cinéma ethnographique. Les Maîtres fous, c’est d’abord et essentiellement un film, reposant sur un dispositif original et novateur, avant d’être de l’ethnographie.
Rouch l’Africain blanc. Ce qualificatif affectueux dit tout de l’homme et du cinéaste. Il découvrit l’Afrique dès 1942 pour y revenir après-guerre. Il ne coupera jamais le lien extrêmement fort qu’il établit alors avec le continent et deux pays en particulier, le Mali et le Niger. Un des grands événements de sa vie fut sans doute la descente du fleuve Niger de la source à l’embouchure, avec ses amis Jean Sauvy et Pierre Ponty. Une aventure périlleuse à l’époque qui l’ancrera profondément dans la réalité africaine. Chargé de recherche au CNRS, il crée en 1953, avec des ethnologues aussi célèbres que André Leroi-Gourhan et Claude Lévi-Strauss, le comité du film ethnographique. L’Afrique, il ne la quittera jamais vraiment, même lorsqu’il fera des allers-retours avec la France, où sa carrière de cinéaste s’épanouira peu à peu pour culminer dans les années 60, et ne jamais tomber dans l’oubli par la suite.
Le cinéma en France pour Rouch, c’est d’une part la Nouvelle vague, et de l’autre le cinéma-vérité expression qu’il propose avec Edgar Morin dans l’introduction du film phare qui deviendra une sorte de manifeste, ou du moins de référence, pour une grande majorité du cinéma documentaire, Chronique d’un été. Même si l’expression fut très vite remplacée par celle de cinéma direct proposée par Mario Ruspoli, et à laquelle Rouch se ralliera sans problème, la direction esthétique qu’elle sous-entend ne sera jamais abandonnée dans ses films ultérieurs. Pour reprendre la remarque de Gilles Deleuze, on peut dire que Rouch est un des cinéastes qui a le mieux compris, et le mieux fait comprendre, la vérité du cinéma.
Rouch est généralement considéré comme un cinéaste documentariste. Et pourtant la fiction n’est jamais absente de son œuvre. Pas seulement parce qu’il réalisa quelque œuvre ouvertement non documentaire (en particulier l’épisode Gare du nord du film collectif Paris vu par…), mais surtout parce que la distinction entre documentaire et fiction n’a pour lui pas vraiment de sens. En fait, le cinéma de Rouch est essentiellement un cinéma expérimental, ce que mettra en évidence avec éclat Moi un noir (1958). Moi un noir, un film qui parle de l’Afrique comme un documentaire, mais aussi un film qui raconte des histoires d’Africains comme une fiction. Avec Rouch, il ne saurait être question de dire qu’il traite un contenu documentaire sous forme de fiction, ou l’inverse. La seule chose quoi compte, c’est qu’il s’agisse de cinéma.
Jean-Pierre, Bonjour tout d’abord et merci pour tous tes envois…super ! Où peut-on trouver ces films de Rouch ? ça doit être passionnant de pouvoir les regarder. Amicalement. Danielle Colombel
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