P COMME PEUR

La Paura. Pippo Delbono, Italie, 2009, 69 minutes

Un sentiment terrifiant, envahissant, destructeur. Un sentiment qui vous anéanti. Comment ne pas être submergé ? Comment réussir à réagir, résister, survivre ?

La peur qu’éprouve, et que film, Pippo Delbono, résulte d’un regard lucide portée sur le monde, sur un pays, une société sur la mauvaise pente. Cette Italie où le fascisme est de retour à visage découvert, avec son racisme, sa haine des étrangers, de l’autre. Une Italie qui fait peur. Mais qui suscite aussi de la colère.

Le film de Delbono est un sursaut, vital. Un cri pour dénoncer l’inacceptable. Une recherche pour trouver des raisons d’espérer encore. Malgré tout.

La télévision tient une grande place dans le film, parce qu’à l’évidence elle est partout dans la société et dans les consciences. Grande fournisseuse d’images, pourquoi ne pas l’utiliser, la piller même, la détourner aussi. La première séquence du film montre par écran télé interposé un reportage sur l’obésité, mal du siècle, pour les enfants et les jeunes, surtout. Le remède/ L’activité physique. Et Delbono d’accumuler des vues de jambes qui courent sur des tapis roulants, dans des salles dites de sport. Une vision qui ne manque pas d’humour.

Mais la réalité du pays n’est pas toujours très drôle. Preuve, ces inscription racistes sur les murs. Delbono nous en propose un court florilège, suffisamment éloquent. Mais c’est surtout l’actualité qui peut faire peur. Un jeune noir a été tué par un pâtissier et son fils parce qu’il avait volé un gâteau. Delbono se rend à la veillée funèbre, filme les visages marqués par une tristesse indescriptible. Il suit ensuite la cérémonie des funérailles, s’étonnant d’être le seul à être venu pour protester contre ce crime. On lui demande ce qu’il fait là, à filmer avec son téléphone. Il est considéré comme un intrus. Mais il s’explique. Il ne peut pas rester silencieux devant l’horreur. Il doit témoigner, montrer que l’Italie est devenue « un pays de merde », une formule qu’il répète plusieurs fois.

Le film se termine par une présentation de Bobo, qu’il filme ici pour la première fois. Ce sourd muet, analphabète, a vécu plus de 20 ans dans un asile. Delbono vient de la « libéré ». Il deviendra un des personnages de ses spectacles théâtraux et de ses films futurs. Delbono le filme longuement sous sa douche. Une eau qui devient le signe d’une nouvelle vie.

Cycle Pasolini, Pasoliniennes, Pasoliniens. Cinémathèque du documentaire.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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