P COMME POLYNESIE

Moana. A Romance of the Golden Age. Robert Flaherty, Etats-Unis, 1926, 85 minutes.

Flaherty n’est pas l’auteur d’un seul film, comme beaucoup ont pu le croire tant le succès phénoménal de son Nanouk a éclipsé dans nombre d’histoire du cinéma ses réalisations suivantes. Pourtant celles-ci n’ont pas à rougir de la comparaison avec « le premier film documentaire » du cinéma, et en particulier son second film, Moana, tourné dans une petite île de Polynésie.

Moana reprend systématiquement les ingrédients de Nanouk. L’exotisme d’abord, assurant le dépaysement total du spectateur. Ici les mers du sud remplacent les glaces du grand nord canadien. La nature n’est pas si hostile et les conditions de vie de la population ne sont pas si rudes. Mais l’intérêt est toujours soutenu par la précision du filmage des lieus et des activités des personnages.

Comme dans Nanouk, Flaherty centre son film sur une famille et son personnage central, Moana, dont on suit la vie dans les moindres détails et dont on ne peut qu’admirer la beauté et le courage, comme le montre la façon dont il supporte la souffrance du tatouage rituel.

La dimension sociale de sa vie est cependant bien plus importante que pour Nanouk. Moana n’est pratiquement jamais seul à l’écran.  Les personnages sont plus nombreux à être filmés au premier plan. Tous rayonnent de joie de vivre. Ils rient presque sans arrêt, ce qui renforce la sympathie qui émane d’eux. L’enfant Pe’a ravirait presque la vedette à Moana dans bien des séquences, comme dans la prise du crabe. Quant à la fiancée de Moana, Fa-angase, elle n’est pas reléguée à un rôle secondaire.

Flaherty construit son film avec la même rigueur qui a tant contribué au succès de Nanouk. Après une introduction présentant les personnages, il va suivre, séquence après séquence, leurs différentes activités, la cueillette des racines, la chasse et la pèche, la confection des vêtements et la cuisine dans laquelle excelle Maman Tu’ungaita. Les ingrédients sont détaillés avec précision (crème de coco, arbre à pain, taro, banane plantain) ainsi que le mode de cuisson sur des pierres chauffées. De même, la construction du piège pour la chasse, et la technique de capture de la tortue géante constituent les données concrètes indispensables à la dimension apport de connaissances du documentaire tel qu’il est conçu dans ses origines américaines.

Le tout culmine dans la fête finale où tout le monde chante et danse à l’occasion du tatouage de Moana qui le fait accéder au statut d’homme. « La virilité s’acquiert dans la douleur » dit le commentaire. La visée ethnographique est évidente.

Avec Moana, Flaherty affirme de plus en plus ses compétences de cinéaste. La séquence où Pe’a cueille les noix de coco est un bel exemple de montage percutant, faisant suivre la longue contre-plongée sur le tronc de l’arbre où grimpe l’enfant – jusqu’à se perdre dans le ciel – de gros plans sur la cime où il est enfin arrivé pour décrocher les noix. Et le filmage de l’océan et de ses vagues énormes annonce les plans inoubliables de L’Homme d’Aran.

La version restaurée aujourd’hui accessible – elle a été diffusée par la Cinémathèque du documentaire de la BPI au centre Pompidou – est sonorisée de façon parfaitement réussie. Les dialogues sont bien audibles. Ils ne sont pas toujours traduits dans les cartons, mais cela n’enlève rien à la compréhension des actions. Et puis les chants des oiseaux sont omniprésents et les accompagnements des tambours et autres percutions lors des danses donnent un rythme au film en total accord avec les images.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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