D COMME DESERT – Algérie.

143, rue du désert. Hassen Ferhani, 2019, 100 minutes.

Le désert, c’est le vide. Le silence. Rien, ou si peu de choses.

« Je contemple des dunes » dit Malika. Il faut avoir une vue particulièrement perçante pour voir des dunes à l’horizon.

Malika, c’est la patronne d’un petit bar, une buvette plutôt, perdue sur la route en plein désert algérien. Elle sert du thé et des omelettes aux routiers qui s’arrêtent là, par habitude ou parce qu’il n’y a rien d’autre. Pour parler avec Malika aussi.

Le film est presque entièrement tourné à l’intérieur de la buvette de Malika. Des plans fixes sur cette vieille femme à la carrure imposante, assise le plus souvent à une table -la seule de la pièce – où se joignent à elle ceux qui font halte ici. Le désert ; on n’en voit qu’un petit fragment, par la fenêtre ou la porte de la buvette. Parfois, pour nous en montrer un tout petit peu plus, la caméra est placée devant la buvette. Mais cela revient au même. On ne quitte pas cet espace en principe infini mais dans lequel nous sommes enfermé comme dans une prison. D’ailleurs, une scène extraordinaire nous montre un des habitués de la buvette jouer au prisonnier derrière le grillage de la fenêtre.

Le désert, c’est l’immobilité. Malgré les véhicules, des camions surtout, qui font la route, pour des tas de raisons sans doute. Ceux que nous apercevons passent devant la buvette sans s’arrêter. Le pré-générique du film, avec cadrage qui deviendra récurent, nous fait apercevoir une voiture traversant le cadre de gauche à droite, suivie immédiatement par une autre en sens inverse. En quelques secondes nous pourrions nous croire dans un road movie. Mais c’est bien sûr trompeur. Dans le film, nous ne voyageons pas. Parce que Malika ne veut pas quitter sa buvette. Et il n’y a, dans tout le film, qu’un seul plan en mouvement ; la caméra tournant autour de la buvette pour en montrer toutes les faces.

Le désert, il ne s’y passe jamais rien. Ou si peu de choses. Un matin, on discute sur l’accident de bus qui a eut lieu la nuit à proximité. Mais on n’en verra aucune trace. Il y a bien aussi la construction de la station-service en face de la buvette. Une concurrence pour Malika, qui ne s’en inquiète guère. Pour le reste, la chatte de Malika suffit à peupler sa solitude.

Le film est donc avant tout un portrait de cette femme qui évoque parfois, par petites touches, sa vie avec ses clients. Une vie qui se résume en un mot, le désert.

La succession des clients de passages constitue aussi une galerie de mini portraits. Des hommes uniquement. Visiblement, ils ont du plaisir à partager quelques instants avec Malika. Mais aucun ne s’attarde trop sur sa propre existence et tous se gardent bien d’évoquer la situation de leur pays. Le désert n’est pas propice à la réflexion politique.

La buvette de Malika a une adresse. Un de ses clients s’en étonne et insiste pour que le cinéaste filme le numéro de la rue inscrit sur le mur. 143. Mais où sont le 141 et le 145 ?

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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