Loup y es-tu ? Clara Bouffartigue, 2021, 85 minutes.
Dans son précédent film, Tempête sous un crâne (2012), Clara Bouffartigue nous plongeait au cœur du métier d’enseignant en suivant pendant une année scolaire deux professeures aux prises avec une classe réputée difficile dans leur établissement. Avec Loup y es-tu elle nous fait pénétrer dans un établissement de soin thérapeutique, le CMPP Claude Bernard. Mais cette fois elle ne s’attache pas prioritairement à deux ou trois personnages. Elle nous donne plutôt une vue d’ensemble des activités de l’établissement. Elle nous propose donc un film choral où l’on rencontre de nombreux enfants et adolescents, ainsi que leurs parents et le personnel soignant. Tous filmés dans des situations variées, pour un temps parfois très court.

Si on ne peut ainsi pas vraiment approfondir le « cas » de tel ou tel – même si le film revient souvent à plusieurs reprises sur le même enfant ou adolescent – on peut en revanche appréhender avec une grande précision la pratique thérapeutique mise en œuvre puisque ces pratiques se retrouvent avec une grande unité d’une situation à l’autre et quel que soit le soignant qui la met en œuvre. Plus que les jeunes en traitement, ce sont plutôt les adultes qui sont là pour les aider qui sont vraiment le centre du film. D’ailleurs, en multipliant les situations filmées, la cinéaste élabore en quelque sorte un panorama – presque un inventaire – des situations thérapeutiques que propose aujourd’hui la pédopsychiatrie s’adressant aux enfants dès l’âge de l’école maternelle jusqu’aux grands adolescents -déjà étudiants sans doute – arrivés aux portes de l’âge adulte. On passe donc d’entretiens individuels à des situations de groupe, des entretiens avec ou sans les parents, ou avec des parents seuls. Nous suivons aussi les réunions des soignants, dans des synthèses des cas suivis ou dans des régulations de leur pratique. Nous traversons tout cela à un rythme plutôt soutenu. Si nous n’avons pas le temps d’approfondir le vécu de ces personnes, nous n’avons pas non plus le temps de nous ennuyer. Par contre, comme dans le film sur les enseignants, nous pouvons très bien nous rendre compte des difficultés de la thérapie, une pratique qui n’est jamais assurée de la justesse de ses orientations et qui peut se voir remise en cause à chaque instant. Si le film ne nous propose pas de vision théorique – il n’y a pas d’entretien avec les soignants et aucune déclaration en dehors des situations vécues – nous sentons très bien que l’aspect fondamental du « métier » réside dans l’écoute participative et dans le non-jugement des actions et des déclarations des jeunes en thérapie.

Loup y es-tu ? a par son côté immersif un petit air wisemanien (la durée en moins), il s’en démarque par les plans de transition, de respiration, qui jalonnent le film. Ici le contexte non thérapeutique de l’établissement est ignoré. On ne voit pas le ménage effectué une fois que les soignants ont terminé leur journée de travail. On ne va pas non plus dans la cuisine ou la cantine. Et on n’a droit à aucun plan extérieur de l’établissement ou de la rue où il est situé. Par contre, Clara Bouffartigue nous propose des respirations particulièrement originales et poétiques. Dans une lumière bleu sombre, des jouets téléguidés et de petites figurines vivent leur vie totalement autonome. Une métaphore de l’enfance, et de ses souffrances, peut-être. A coup sûr une création cinématographique très réussie.