A COMME AYA

Aya. Simon Coulibaly Gillard. Belgique-France, 2021, 91 minutes.

Au premier abord, c’est un film qui dépayse. Nous sommes en Côte d’Ivoire, sur une île du nom de Lahou-Kpanda. Ce qui nous vaut des plans très esthétiques sur l’océan, ses vagues et sa luminosité, même la nuit, avec les reflets de la lune.

Mais c’est surtout un film qui veut nous alerter, nous bousculer, nous faire réagir. Car la situation qu’il documente est devenue mondiale. L’île où vivent Aya et sa mère, Lahou-Kpanda, est menacée de disparition, ou plus précisément est en train de disparaître. La montée des eaux, due au réchauffement climatique, a des effets ravageurs. La côte est de plus en plus érodée ce qui pousse le réalisateur à multiplier les plans de destruction.

 Comment vivre avec cette menace permanente d’effondrement, d’engloutissement. L’océan, pourtant source vie et de plaisir – la pêche ou l’apprentissage de la nage – devient le danger par excellence, une force destructrice que rien ne pourra stopper.  

Y a-t-il une autre solution pour les habitants de l’île que de quitter ce lieu où ils ont toujours vécu ? Gagner le continent et la ville. Renoncer à ses racines. Partir à l’aventure. Partir sans rien laisser, puisque de toute façon, les eaux emporteront tout. Alors il faut emporter les restes de ses ancêtres (la nuit dans les cimetières on casse les tombes, on trie les ossements qu’on empaquète comme on peut). Il faut aussi emporter son habitation, ce qui servait d’abri. Alors on démonte. Et à 5 ou 6, on porte la toiture d’une seule pièce, faite de palmes, légère mais encombrante. Le film ne montre pas où tout cela va atterrir. On imagine les périphéries des villes, la vie loin de l’océan.

Aya, elle, a longtemps hésité à suivre les conseils de sa mère. Elle a tenté de résister à ce qui pourtant paraît inévitable. Elle finira par quitter Lahou-Kpanda à bord d’une pirogue. Nous la retrouvons à Abidjan, habillée à l’européenne, fréquentant les boites de nuit. Une nouvelle vie. Le dernier plan du film est pourtant chargé de nostalgie. Sur la plage, Aya contemple l’océan. Elle enlève alors sa perruque de cheveux roses. Le gros plan fixe son visage d’avant, celui que nous avons vu tout au long du film, lisse, impassible en apparence, chargée d’émotions contenues.

Un film qui nous plonge au cœur de l’actualité. Le réchauffement climatique et ses conséquences. Ce sont les plus pauvres, les plus démunis, qui sont les premières victimes. Il est temps, il est grand temps, de réagir.

FIPADOC 2022, Biarritz.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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