Opéra de Paris, une saison (très) particulière. Priscilla Pizzato, 2021, 70 minutes.
La pandémie de covid-19, on n’en verra dans le film que son effet le plus spectaculaire, la fermeture en mars 2020 des cinémas et des salles de spectacles. Ainsi en est-il de l’Opéra de Paris. Les danseuses et les danseurs du célèbre Ballet sont renvoyés chez eux, confinés loin des studios de répétition, loin aussi de la scène et du public. Comment ont-ils vécu de moment tout à fait particulier de leur carrière ?

Le film de Priscilla Pizzato, commence à la fin du confinement. Un confinement que nous ne verrons donc pas, mais qui est omniprésent à chaque instant de ce retour à la normal, qui ne saurait être simplement un retour à la vie d’avant.

Les danseuses et les danseurs, les professeurs, les chorégraphes, reprennent donc le chemin du Palais Garnier. Tous sont bien sûr extrêmement heureux de se retrouver et de pouvoir se mettre au travail. Chez eux, ils pouvaient bien suivre une heure de cours (en visio sans doute, mais personne ne s’attarde sur ce passé qu’on a hâte d’oublier), mais rien ne peut remplacer les 5 à 7 heures de travail quotidien. Il s’agira alors de mettre les bouchées doubles pour rattraper au plus vite, ce qui a été inévitablement perdu.

Le ballet de l’Opéra de Paris c’est le royaume de la perfection, d’une excellence qui ne peut s’obtenir que par la persévérance, l’acharnement même, dans les répétitions. Comme dans le film que Wiseman lui avait consacré en 2009 (La Danse, le ballet de l’Opéra de Paris) nous suivons au plus près ce travail, les répétitions du corps de ballet comme des danseurs et danseuses étoiles. Tous sont toujours concentrés, habitués à reprendre sans cesse le moindre mouvement, à suivre sans la moindre hésitation tous les conseils. Une discipline qui fait partie de chacun et de chacune. Et sans laquelle le Ballet ne serait pas ce qu’il est. Beaucoup de sueur donc. Mais quel plaisir, pour nous spectateurs du film – spectateurs privilégiés s’il en est – de pouvoir admirer ces fragments de danse qui nous font anticiper ce que sera le spectacle final.

Ce spectacle, ce doit être la représentation sur la scène de l’Opéra Bastille de la Bayadère de Rudolf Noureev, une œuvre des plus exigeantes pour les danseurs et danseuses. Le film suit toutes les étapes de cette longue et exigeante préparation. Une progression rigoureuse depuis les préparations initiales jusqu’au moments où c’est sur la scène, puis en costumes et dans le décor, qu’il faut réaliser la mise en place de chaque moment. Une chronologie où on sent le stress monter en chacun. Un stress dont il est sans cesse question, comme si c’était là le secret de la réussite promisse. Car bien sûr ce stress, il finira par ne plus se voir même si nous savons, pour l’avoir entendu dire de chacun et chacune de ces artistes, qu’il ne disparaît jamais.

Ce spectacle, nous l’attendons impatiemment dans le film. Mais nous le savons bien, pour cause de crise sanitaire, les salles de spectacles devant fermer, il ne pourra avoir lieu que devant une salle vide. Il sera alors réalisé une captation pour la télévision. Mais pour tous, s’ils ont retrouvé la scène, il est clair que le public manque cruellement.

Mettant l’accent sur les moments clés du ballet, le film de Priscilla Pizzato nous propose des images assez extraordinaires, et particulièrement émouvantes, comme les salutations à un public qui n’existe pas. Il nous aura fait vivre un grand moment de plaisir esthétique, tout en nous en montrant souvent les coulisses et en nous faisant rencontrer tous ces artistes qui ne vivent que pour leur art et qui savent parfaitement se fondre dans ce groupe, le Ballet, dont l’unité et la cohésion sont fondamentalement les garants de la réussite.
Le film se termine par la première représentation en public après fermeture due à la pandémie. La danse n’a pas disparue pour cause de crise sanitaire.
FIPADOC 2022, Biarritz. Prix du public.
