Ultraviolette

Ultraviolette et le gang des cracheuses de sang. Robin Hunzingen, 2021, 74 minutes.

 En 2006, dans Où sont nos amoureuses ? Robin Hunzinger retraçait le destin de deux femmes nées dans les premières années du XX° siècle, Emma, sa Grand-mère, et Thérèse, deux jeunes femmes libres, modernes, cultivées, passionnées. Le récit en voix off de cette relation amoureuse était fondé sur les lettres écrites par Emma et des extraits de son journal. Plus de dix ans après, le cinéaste revient sur la vie d’Emma, mais cette fois-ci dans sa relation avec Marcelle et à partir des lettres que celle-ci lui envoyait. De quoi brouiller les pistes. Emma avait-elle eu une double vie ?

Mais peu importe. Ce qui nous intéresse ici, c’est la relation d’Emma avec Marcelle, racontée du point de vue de Marcelle. Emma restant systématiquement hors champ, bien que ce que lui écrit Marcelle nous apprenne beaucoup de chose sur elle.

Un film de correspondance, une correspondance d’amour, mais aussi de souffrance. La souffrance de la séparation.

Marcelle est envoyée dans une petite ville lointaine pour prendre son premier poste d’enseignante. Emma elle va suivre des études supérieures. Mais la séparation la plus douloureuse, la plus dramatique, est liée à la maladie. Marcelle souffre de tuberculose. Elle est envoyée dans un sanatorium. Pour elle le temps s’arrête. Reverra-t-elle un jour Emma ?

Au sana, c’est l’ennui, la solitude, l’inaction, jusqu’au jour où arrivent trois jeunes filles, Marguerite, Hélène et Bijou,  presque de l’âge de Marcelle, avec qui tout va changer. C’est le gang du titre, une amitié qui se noue dans la soif de vie, malgré la maladie, malgré la présence de la mort. La mort qu’il n’est pas possible d’oublier.

Les cracheuses de sang ne resteront pas au sanatorium. Elles vont louer une maison dans les Alpes pour vivre la vie, vivre leur amitié. Mais la maladie est toujours présente. Elle s’aggrave peu à peu. Jusqu’à la mort. Le gang ne peut survivre plus longtemps.

Le film de Robin Hunzinger nous propose la lecture en voix off des lettres que Marcelle continue à envoyer à Emma. Une petite voix féminine, douce, presque enfantine, chargée d’émotion.

Et les images ?

Des images d’époque, en noir et blanc, souvent vieillies, des archives personnelles ou familiales. Des images qui reconstituent une époque, mais aussi l’aventure de ces jeunes femmes malades dont la volonté de vivre reste malgré tout intacte.

Nous voyons la vie au sanatorium, les longues files de malades sur leurs chaises longues dont il ne faut pas bouger. Les soins aussi. Nous voyons la montagne, les sommets enneigés et les plaisirs des sports d’hiver. Des images alors où la joie et le rire dominent. Il n’y a pas d’image de mort dans le film. Il n’y a pas de sang, malgré le titre. Quelques images en couleur, mais ce sont des images de fleurs.

Ultraviolette et le gang des cracheuses de sang est un film que l’on pourrait qualifier de passéiste. Mais cela ne devrait pas être compris de façon péjorative. Il s’agit de se retourner vers le passé certes, avec tout le lot de nostalgie que cela implique. Mais aussi avec la volonté de retrouver ce qu’il peut y avoir d’intemporel dans une aventure humaine, l’aventure de la jeunesse, de l’amour, du désir de vivre. L’aventure de jeunes filles que l’époque qualifiait de rebelles et dont le destin peut être ressenti comme grandiose dans sa banalité.

Ultraviollette, le surnom de Marcelle au sanatorium, triomphera de la maladie et retrouvera une vie « normale ». Le film la fait entrer dans l’éternité.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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