PRISON en chansons

Nos jours, absolument, doivent être illuminés. Jean-Gabriel Périot, 2011, 22 minutes

         Le film repose sur un projet d’animation avec des détenus de la maison d’arrêt d’Orléans. L’utilité sociale de telles actions est évidente étant donné les problèmes que connaît le monde carcéral en France, en même temps que leur difficulté de les mener à bien. Il s’agit ici d’un projet musical, la réalisation d’un concert pour lequel les détenus sont appelés à choisir des chansons de variété et à préparer leur interprétation, en solo ou en cœur, accompagné simplement d’une guitare ou d’un piano. Pour quel public ? Le proposer aux autres détenus aurait une dimension bien limitée. Mais est-il possible de trouver un autre public, un vrai public, un public non captif, au-delà des murs de la prison ?

         C’est là qu’intervient le cinéma, à travers la caméra de Jean-Gabriel Périot. Puisqu’il s’agit de diffuser le concert au-delà des murs de la prison, le public en sera les passants présents par hasard devant ce mur, présence due à des raisons qui n’ont rien à avec le projet des détenus. Des hommes et des femmes anonymes, en majorité des femmes, qui décident alors de séjourner devant ce mur, le temps de quelques chansons interprétées dans un autre lieu, un lieu invisible, comme ils sont eux-mêmes invisibles par ces interprètes amateurs. Le travail du cinéaste consiste alors, et c’est là bien sûr l’intervention artistique fondamentale, à filmer en gros plans les visages de ces passants, spectateurs improvisés. Une chanson, un visage. Un visage attentif, peut-être surpris, mais qui peu à peu va participer, s’impliquer dans la chanson au point d’en murmurer les paroles en même temps que son interprète de l’autre côté du mur, l’autre côté de la liberté, l’autre côté de la vie.

         Le film, dans son dispositif extrêmement simple, un dispositif filmique original, jamais vu, mais en complète adéquation avec un propos d’auteur, nous dit tout de la situation d’incarcération en maison d’arrêt. D’un côté des détenus dont on ne voit aucune image ; de l’autre des gros plans de visages d’hommes et de femmes libres qui, par leur seule écoute, sont subitement concernés par la présence de la prison. D’un côté des chansons, banales, mal interprétées mais résultant d’un choix significatif de la part de détenus (« Nous irons tous au paradis » par exemple) ; de l’autre des auditeurs qui n’ont que leurs applaudissements pour tenter d’établir un contact avec les détenus, sans qu’ils puissent savoir d’ailleurs si ceux-ci peuvent les entendre. Le film rend ainsi compte de la différence entre le dedans et le dehors de la prison, entre la liberté et la privation de liberté. Dans la prison, il y a des hommes et des femmes qui sont encore en vie et qui sont encore capables de chanter l’espérance de vie. Qu’un film puisse nous dire cela, sans montrer les détenus, en nous faisant simplement écouter leurs chants maladroits et mal assurés, manifeste d’une façon éclatante toute la puissance du cinéma.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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