L’escalier. Christophe Loizillon, 2022, 20 minutes.
Six étages sans ascenseur, ça en fait des marches. Plus d’une centaine sans doute. De quoi arriver essoufflé, surtout si on est pressé. Et quand il faut les monter – et les descendre – trois fois par jour, tous les jours pendant des années, ça devient plutôt ennuyeux. Mais certainement, tout en haut, que ne trouve-t-on pas ? Un appartement, même petit, une chambre de bonne, une mansarde, un havre de paix, un refuge…la possibilité du bonheur.

Dans le film de Christophe Loizillon, c’est la caméra qui se farci les six étages. Un plan unique, qui réussit à varier les cadrages – gros plan sur les marches et la rampe, contre-plongée verticale pour anticiper du bas le sixième à atteindre, plongée vertigineuse sur les étages gravis une fois arrivé au but. Une véritable prouesse du chef opérateur. Pas un tremblement. Pas une hésitation. Il s’arrête presque parfois sur une plante dans un recoin, ou sur des chaussures sur un palier, ou un sac d’ordure qui n’a pas encore été descendu. Mais chaque fois, il repart avec un nouvel entrain. Et la montée en devient presque légère.

Le cinéaste, en voix off, intervient par moment au cours de la montée. Pour évoquer la vie et l’histoire de l’immeuble, un immeuble parisien comme il y en a dans tous les quartiers. Il a connu la rafle du veld ’hiv, mai 68. Une SDF s’était un jour installé sur un palier et a vécu là quelques temps. Si on était chez Pérec – peut-on éviter de penser à La Vie mode d’emploi, on entrerait dans les appartements pour faire connaissance avec les habitants, évoquer leur présent et leur passé. Mais dans le film, tous restent hors-champ. La caméra peut bien faire mine de s’attarder devant les portes sur les paliers, elles restent systématiquement closes. Elles laissent juste passer quelques bruits, des fragments de musique, des coups de marteau. C’est quand même toute une ambiance que nous appréhendons ainsi.

En somme, un film qui peut paraître insignifiant, tout simple, mais en même temps très réfléchi. Il y a là une façon d’aborder le quotidien, dans sa banalité, qui donne son épaisseur à la vie. Après avoir vu ce film, on ne devrait plus jamais prendre l’ascenseur.