ROBILLARD André

André Robillard en chemin. Henri-François Imbert, 2013, 80 minutes.

Henry-François Imbert a consacré trois films à André Robillard. Trois portraits de ce personnage unique auquel à l’évidence le cinéaste s’est fortement attaché. Trois portraits qui se complètent sans doute puisqu’ils ne sont pas de la même durée mais qui reprennent les mêmes données biographiques qui constituent les caractéristiques principales du personnage. Sa vie dans un hôpital psychiatrique d’abord, où il passa 78 ans. Son activité artistique ensuite qui lui valu une reconnaissance internationale dans le domaine de l’art brut. Et sa vie quotidienne, une vie toute simple, mais dont le récit fait par l’intéressé lui-même, par petites touches évoquées au fil des jours, constitue un témoignage unique, sur la psychiatrie et l’art.

Le tout premier film d’Imbert, en 1993, était déjà consacré à Robillard. Un court métrage de 26 minutes portant essentiellement sur le travail de fabrication – de création – des fameux fusils (André Robillard. A coups de fusils !) Et le plus récents, 2017, de ses films est au aussi consacré à cet homme, artiste sans le vouloir, sans l’avoir voulu, vivant depuis l’âge de 9 ans – il en a 84 au moment du film – dans un hôpital psychiatrique. L’occasion pour Imbert d’aborder l’histoire de la psychiatrie en France en s’arrêtant tout particulièrement sur les transformations opérées par le mouvement de la psychiatrie institutionnelle. (André Robillard en compagnie)

André Robillard en chemin n’ignore pas ces deux domaines de réflexion, la psychiatrie et l’art, mais il les aborde sans dictatisme, sans vouloir donner d’explications ni de raisons. C’est au fil du dialogue continu avec Robillard que celui-ci aborde, sans idées préconçues et donc sans visées particulières, ce qui constitue le quotidien de sa vie. S’il se retrouve dès neuf ans en hôpital spécialisé, ce n’est pas vraiment pour y être « soigné », mais plutôt pour y être « gardé ». Il évoque en passant les conditions de vie de ce qui était alors appelé l’asile, la camisole de force et les électrochocs auxquels il est bien conscient d’avoir eu la chance d’y avoir échappé. Au fil des ans il semble ne pas avoir eu de raison d’aller vivre ailleurs, non pas qu’il soit résigné à son sort puisque sa vie ne demande aucune résignation.

Pour son activité « artistique » – qu’il faut bien nommer artistique puisque ses fusils sont exposés dans des galeries et des musées – il explique que s’il s’est mis à confectionner des fusils avec des matériaux de récupération, en bois essentiellement, c’est parce que son père était chasseur et garde-chasse. Une raison bien sûr qui n’en n’est pas une, mais Robillard ne cherche pas à aller plus loin. Il ne s’est jamais pris pour un artiste et il fut le premier surpris lorsqu’il appris que l’une de ses « œuvres » était exposée à Lausanne. C’est presque à son insu que son médecin avait envoyé quelques fusils à Jean Dubuffet dans le cadre de sa collection d’art brut. Pourtant dans l’exposition dans une galerie du Havre où Imbert l’accompagne, Robillard n’hésite pas à fixer le prix de ses fusils. N’y a-t-il là pour lui qu’une activité commerciale ?

Henri-François Imbert cinéaste est plus connu pour ses films enquêtes, de l’Irlande à l’Afrique, des camps de réfugiés catalans dans le Roussillon au tournage de Mes petites amoureuses d’Eustache à Narbonne. Pourtant ses films portraits de Robillard montrent une maîtrise assez rare de la rencontre et du dialogue. Imbert est toujours très présent dans ses portraits. Sa caméra sait se faire oublier même lorsqu’elle saisit le personnage au plus près. Preuve, s’il en faut une, cette longue séquence vers la fin de André Robillard en chemin où, dans les deux minuscules pièces de son habitation encombrée d’un fouillis inextricable de toutes sortes d’objets des plus hétéroclites, Robillard se met en colère pour n’avoir pas réussi à régler son téléviseur, et peste sans retenue contre son propre désordre. Imbert ne dit rien. Il se contente de filmer. Visiblement Robillard l’a oublié. Le portrait cinématographique dans toute sa beauté.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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