AMOUREUSES.

Le temps des amoureuses. Henri-François Imbert, 2008, 82 minutes.

Ce film est un hommage à Jean Eustache, ce cinéaste maudit – comme on dit poète maudit – qui revient en force sur nos écrans actuellement. Qui s’en plaindrait ? Ou plutôt, c’est un hommage à un de ses films, pas le plus connu, le plus emblématique de son œuvre (La Maman et la putain bien sûr). Un film sur l’enfance, sur les amours d’enfance. Un film au titre rimbaldien : Mes petites amoureuses.

Le point de départ est quelque peu fortuit, anecdotique. Mais s’agit-il vraiment d’un hasard alors que Imbert est à Narbonne, la ville où le film d’Eustache a été tourné, et que toutes ses pensées sont tournées vers Eustache. Toujours est-il que le cinéaste rencontre dans un café un de ces adolescents qu’Eustache avait choisis pour jouer dans son film, Hilaire, et dont Imbert va faire, 30 ans après, le protagoniste principal de son film.

Du coup Imbert part à la recherche des autres ados présents dans le film d’Eustache, cette petite bande de camarades, des garçons rieurs, turbulents, indisciplinés. Que sont-ils devenus ? Quels souvenirs gardent-ils de ces jours de tournage avec l’équipe d’Eustache qui ne pouvaient que constituer pour eux une expérience unique, exceptionnelle.

Le temps des amoureuses se présente donc comme une enquête, mais une enquête qui paraît hésitante, avec ses trous et ses lacunes, une recherche plutôt, menée de façon presque dilettante au fil des voyages du cinéaste à Narbonne pendant l’été. Mais Imbert a bien retrouvé, un à un, les ados du film d’Eustache, et même les deux filles qui renvoient au titre -un poème de Rimbaud. Pourtant la recherche n’est pas vraiment couronnée de succès. Une de ces amoureuses hésite beaucoup à rencontrer Imbert et finalement refusera de figurer dans son film.

Imbert nous propose ainsi une série de portraits de ces Narbonnais de souche, acteurs d’un jour. Tous sont encore émerveillés par leur expérience du cinéma. Il s’attarde plus longuement sur Hilaire, celui par qui le film a été possible. Un portrait plus fouillé où il parle de son métier d’éducateur (faisant une critique engagée des pratiques d’évaluation qui se généralisent, ce que ne renierait pas Roland Gori). Et puis il le suit dans son désir de devenir chanteur puisqu’il écrit des chansons. Nous les découvrons dans quelques répétitions avec les musiciens et dans le premier concert en public dans un bar de Narbonne devant des amis.

Le temps des amoureuses ne fonctionne pas vraiment selon le principe du film dans le film. Des amoureuses d’Eustache nous ne verrons aucun extrait. Seulement quelques photos du tournage, en noir et blanc, où l’on retrouve la petite bande de copains, ce qui permis de les identifier. Ou celle, magnifique, où on retrouve Eustache avec Pialat qui intervenait comme acteur dans le film. Peut-être pour suppléer l’absence du film, Imbert nous propose des extraits de celui réalisé par son instituteur, un cinéaste amateur, d’une classe de neige avec ses élèves. Pas vraiment de quoi nous faire oublier Eustache ! Mais c’est quand même le cinéma qui sort gagnant de l’enquête d’Imbert. Le temps des amoureuses, n’est-ce pas celui qui donne tout son sens à l’adolescence et au cinéma qui se penche sur elle ?

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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