JANE FONDA BRUNE ?

Le jour où j’ai découvert que Jane Fonda était brune. Anna Salzberg, 2022, 84 minutes.

Mon premier souvenir de Jane Fonda, c’est dans le film de Godard, Tout va bien, en compagnie d’Yves Montand. Je crois me souvenir qu’elle y est brune. Mais j’ai aussi cette impression, dans mon souvenir, qu’il s’agissait d’une perruque. Mon deuxième souvenir renvoie au film de Delphine Seyrig, Sois belle et tais-toi. Mais je crois bien me souvenir aussi que le film est en noir et blanc et donc il me parait impossible, ou du moins difficile, de décider de la teinte des cheveux de l’actrice. De toute façon, que Jane Fonda soit brune ou blonde, quelle importance cela peut-il avoir ?

Le jour où j’ai découvert que Jane Fonda était brune est un film féministe. Pour trois raisons, au moins. D’abord, c’est un film réalisé par une femme. Ce qui n’est bien sûr pas une raison suffisante. Même si ce sont des femmes qui occupent presque toutes les principales fonctions indispensables au cinéma, du son à l’image, du montage à la production, etc. En second lieu c’est un film qui traite de problèmes de femme, avortement et contraception en tout premier lieu, mais aussi avoir ou pas un enfant et les relations avec les hommes. Pourtant, il n‘a pas vraiment la prétention d’aborder tous les problèmes dits de femme. L’égalité des salaires homme-femme par exemple n’est pas présent. Si on y parle de sexualité, il n’est pas question de genre, ni de la distinction entre sexe et genre. Le mot queer n’est pas prononcé et il n’est même pas fait allusion aux revendication LGBTQIA+. Enfin, et c’est sans doute la bonne raison, c’est un film qui montre les luttes des femmes, celles d’une époque, bien précises, les années 1970 et suivantes. Dans les manifestations présentes sous forme d’archives d’actualité, on entend des slogans caractéristiques. Par exemples : « un enfant quand je veux si je veux » ou « les femmes unies jamais ne seront vaincues ».

Le jour où j’ai découvert que Jane Fonda était brune est donc un film historique, une pièce à verser au dossier de la mémoire des mouvements féministes. Ici en particulier, le MLAC.

Le jour où j’ai découvert que Jane Fonda était brune est un film intimiste qu’on peut qualifier d’autobiographique au sens large puisque c’est une présentation de moments de vie de la réalisatrice, très présente à l’écran d’ailleurs, Il est donc question d’une relation mère-fille. Anna filme sa mère chez elle et la questionne. Pourquoi a-telle choisi d’élever son enfant – la réalisatrice – seule ?

Le jour où j’ai découvert que Jane Fonda était brune est un film expérimental. Un film qui ne se contente pas de montrer des images, mais qui les « travaille », en post production le plus souvent, comme ces images de manifestations datant des années 70 et qui sont rendues presque floues, presque évanescentes, comme des souvenirs qui ont du mal à résister à l’épreuve du temps qui passe. 

Le jour où j’ai découvert que Jane Fonda était brune est un film théâtral, qui emprunte au théâtre des formes, comme la mise en scène de saynètes où des femmes devenues actrices récitent à tour de rôle des textes. Et puis elles se mettent à chanter en chœur et Le jour où j’ai découvert que Jane Fonda était brune devient comédie musicale.

Au total c’est un film composite, qui part un peu dans tous les sens. Mais c’est pour cela qu’il est si attachant, si séduisant, si attirant. Et c’est pour cela qu’il est inoubliable.

Pour en revenir au titre, il n’est nullement question de Jane Fonda, ni dans les images, ni dans la bande son. Ou alors elle passe totalement inaperçue. Conclusion : c’est un très beau titre !

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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