THALIA

Dans ta cabane, il y a. Vincent Pouplard, 2022, 79 minutes.

Thalia a deux ans au début du film. Nous allons suivre sa vie de petite fille jusqu’à son entrée à l(école maternelle. Une vis simple dans une belle maison avec un grand jardin. Une vie avec ses parents. Carla, sa mère, est musicienne, son père, Vincent, cinéaste. Ils ne travaillent pas hors de la maison.

Vincent s’occupe de Thalia quand il ne filme pas. Ou alors il a posé sa caméra sur un pied. Il explique à sa fille comment elle fonctionne. Et Thalia fait ses premières images, un peu tremblantes, un peu déséquilibrées, mais ce sont ses images à elle.

Carla, la mère, elle, est omniprésente dans le film, à côté de sa fille, avec sa fille. Et c’est peu dire qu’elle entretient une relation fusionnelle avec elle. Elle est là pour répondre aux questions de Thalia ; lui expliquer la vie et la mort. Elle est là pour la rassurer. Si l’enfant a peur d’une mouche – la seule fois du film où nous la verrons pleurer – elle intervient immédiatement pour la rassurer. Bref une mère protectrice. Surprotectrice peut-être.

Tout est simple dans la vie de Thalia. Comme dans ce film où on ne s’arrête jamais bien longtemps sur une même situation. Tout est lisse. Aucune aspérité. Aucune difficulté, de quel ordre que ce soit. Thalia ne fait jamais de caprice. En aurait-elle d’ailleurs l’occasion ? Pourtant on n’est pas vraiment renvoyé à cette sorte d’idéologie, l’enfant roi, où il s’agissait d’éviter systématiquement toute frustration pour l’enfant. Ici, le problème ne se pose pas. La vie de Thalia est organisée de telle sorte qu’il ne peut exister aucune frustration. Et de leur côté, les parents ne semblent rencontrer aucune des difficultés relationnelles qui sont le lot de bien des couples. De toute façon, le film s’intéresse très peu à eux. Il ne dit rien sur leur relation. Vincent ne filme pas ces moments d’intimité qui font la vie amoureuse. Il n’y a de câlin qu’entre la mère et la fille.

Thalia grandit donc simplement, à son rythme, dans cette vie où tout se déroule comme cela doit se dérouler. Le bébé devient enfant, l’enfant devient adolescent, l’adolescent adulte puis c’est la vieillesse et la mort. Pas de perturbation, pas d’accident, pas d’événement imprévu. Thalia jour dans le jardin avec des escargots, ou avec un pupitre musical dans le salon. Tous les trois, ils partent en vacances en camping-car. Nous assistons rapidement à une réunion de famille, seule possibilité pour Thalia de rencontrer d’autres enfants, plus grands qu’elle. La mère a bien quelques amies qui viennent la voir, mais là aussi nous ne pénétrons pas dans l’intimité de leur relation. Le film reste, tout au long, à hauteur de l’enfant, focalisé sur Thalia, Thalia et sa mère.

Peut-on parler d’une éducation idéale ? Carla parle beaucoup à sa fille, essaie de répondre simplement à ses « pourquoi », utilise toutes les situations de la vie quotidienne pour lui permettre d’observer le monde. Une observation toujours guidée. L’enfant est rarement laissée seule, livrée à elle-même. L’importance de la mère dans les premiers apprentissages n’est plus à démontrer. Mais ici, cette deuxième année de la vie de Thalia est une sorte de parenthèse, après les tout premiers apprentissages (la marche, la propreté, le langage) et avant l’entrée dans les relations sociales à l’école. Thalia, enfant unique, peut avoir sa mère pour elle toute seule. Entièrement. Le père, caché derrière sa caméra, n’est pas un obstacle à cette possession. Sans aller jusqu’à évoquer une famille nombreuse, Carla et Vincent peuvent-ils avoir un jour un autre enfant ?

Le projet du film est sans doute de nous montrer ce que peut être une enfance heureuse. Mais un tel bonheur peut-il durer toute une vie ?

Festival International du Film Indépendant de Bordeaux 2022.

Voir l’abécédaire de Vincent Pouplard.