Hélène Berr, une jeune fille dans Paris occupé. Jérôme Prieur, 2013, 83 minutes.
Hélène Berr a 21 ans en 1942. Elle vit à Paris, à deux pas des Champs Élysées. Son père dirige une entreprise chimique. Elle joue du violon, prépare l’agrégation d’anglais à la Sorbonne. Comme on dit, elle est promise à un brillant avenir. Sauf qu’elle est juive. Son avenir immédiat sera fait de discriminations de plus en plus importantes dans Paris occupé. En 1944, elle est arrêtée avec ses parents et déportée à Auschwitz. Elle mourra à Bergen-Belsen quelques jours avant la libération du camp.

Le film que consacre Jérôme Prieur à son souvenir repose entièrement sur le journal intime qu’elle écrit pendant cette période. Présentant les passages qu’il choisit par ordre chronologique, il n’y ajoute aucun commentaire. Cette voix intérieure se suffit à elle-même. Elle constitue un témoignage de tout premier ordre sur le vécu des victimes de la barbarie nazie relayée par les autorités françaises. L’humiliation de devoir porter l’étoile jaune. La révolte et le refus initial. Puis l’acceptation par solidarité avec ceux qui la portent. Elle évoque alors les regards blessants dans la rue et les quelques manifestations de fugace sympathie dans le métro. Rien de la tragédie de la guerre ne lui est épargné, l’arrestation de son père à Drancy, la répétition des rafles, la connaissance de l’existence des chambres à gaz.

Son journal, c’est aussi le récit d’une rencontre, avec Jean. Elle ne dit pas quelle est amoureuse, mais elle rend parfaitement compte de l’éveil de ses sentiments. Même dans les pires conditions de vie, dans l’angoisse grandissante face à cet avenir qui devient de plus en plus sombre, elle trouve les mots tout simples qui expriment au mieux la joie d’une présence, d’un échange de regard.

En même temps, le film montre le Paris de l’occupation comme on l’a rarement vu. Par les images photographiques d’époque et surtout tous ces petits films amateurs, sans doute filmés par des Allemands, et qui comportent donc toujours un peu un point de vue touristique, il nous donne à voir ce que Hélène pouvait voir de la ville. Une promenade sur les quais de la Seine, un regard sur la Tour Eiffel, une vue sur un jardin depuis la fenêtre d’un appartement, des terrasses de café, un week end à la campagne. Des images toujours pleines de vie, qui rendent d’autant plus inacceptable l’issue fatale qui se profile.