KOUNACHIR

Kounachir. Vladimir Kozlov, 2019, 71 minutes.

Une île à l’extrême nord du japon. Une île japonaise, enfin, jusqu’en 1945, où elle a été annexée par l’URSS. Une île où aujourd’hui il n’y a plus de Japonais. Ils ont en effet été tous expulsés de Kounachir, déportés pour laisser la place aux Russes. Mais garde-t-elle des traces de son passé japonais ? Et que pensent aujourd’hui les Russes qui vivent là, en lieu et place d’un autre peuple, parlant une autre langue, ayant d’autres coutumes, une autre relation à l’espace de l’île. Une île qui pourtant, depuis la seconde guerre mondiale est restée, par bien des aspects, la même. Comme si l’histoire s’était arrêtée avec le changement de nationalité.

Le film de Kozlov nous fait pénétrer dans la vie quotidienne des habitants actuels de Kounachir. Une quotidienneté somme toute bien banale. Une vie calme, qui semble réellement paisible, loin des enjeux géopolitiques qui pour les habitants se situent dans une autre réalité, une réalité qu’ils ignorent, bien loin de leurs préoccupations immédiates.

Dans la première séquence du film, nous suivons un homme seul, pelle à la main, qui creuse de grands trous, des sortes de tombes, mais nous ne verrons pas d’inhumation. Son travail est perturbé un bref instant lorsqu’il trouve dans la terre une petite bouteille. Une sauce soja japonaise, dit-il en la jetant. S’agit-il de l’unique reste de la présence nippone dans l’île ?

Les autorités commémorent une fois par an, le jour anniversaire, la reddition des Japonais devant l’armée soviétique. Une cérémonie qui reconstitue le débarquement des envahisseurs – quelques soldats en costume d’époque – et la reddition de l’officier japonais joué par un soldat Russe choisi pour une supposée ressemblance avec les anciens habitants.

Les Japonais, nous ne les verrons qu’à la fin du film, sur des images photographiques d’archives de leur déportation. Des familles entières qui posent simplement devant l’objectif. Et de longues files d’hommes, de femmes et d’enfants qui partent pour leur nouvelle destination, destination qui nous reste inconnue.

Pourtant le souvenir des Japonais semble encore bien vivant chez quelques Russes. Une femme évoque leur présence, leur mode de vie. D’une façon plutôt positive. Par exemple, ils nettoyaient la plage qui était ainsi bien plus propre qu’aujourd’hui. Et leurs installations électriques, et même l(eau potable ne connaissaient pas les perturbations et les dysfonctionnements actuels. Il y a dans sa voix un accent de regret et de nostalgie. Ce sentiment est-il partagé ? Le film ne propose aucun jugement.

Filmer Kounachir aujourd’hui peut sembler quelque peu anecdotique. Mais on peut y voir une sorte de prémonition de la politique expansionniste de la Russie actuelle. Si elle n’est pas évoquée ouvertement, la position stratégique de l’île apparait pourtant dans le filmage dans le port des cargos qui y font escale. Un carton final indique que depuis 1945 aucun traité de paix entre la Russie et le Japon n’a été signé. La possession russe de l’île n’a rien d’officiel. Une situation qui semble bien devoir perdurer.

En dehors du port, l’Ile semble vivre au ralenti. Avec son traineau archaïque tiré par des chiens, un homme circule sur la plage ou dans la forêt. A-t-il un but ?  A Kounachir, pour les habitants russes, le temps est suspendu.

Festival de la Scam Vrai de Vrai 2022.

Voir l’Abécédaire de Vladimir Kozlov

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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