Ghofrane et les promesses du printemps. Raja Amari, 2020, 85 minutes.
Le portrait d’une jeune fille noire dans la Tunisie d’après la révolution. Le racisme dont elle fait l’objet et dont elle souffre particulièrement. Les invectives et les insultes. Les chauffeurs de taxi qui refusent de la prendre dans leur véhicule. Alors, elle milite dans une association qui essaie de modifier les mentalités sur ce problème. Mais Ghofrane juge ces actions insuffisantes. Elle s’inscrit dans un parti politique, soutient son candidat aux élections présidentielles, est candidate aux législatives. Pour elle, il est urgent de changer le monde pour changer sa vie.

Nous suivons donc Ghofrane dans sa vie quotidienne. Chez la coiffeuse, un lieu où les femmes se rencontrent et discutent longuement sur la société et la politique. Avec ses ami.e.s, dans les cafés, autre lieu de débat. Dans sa famille, avec ses cousines, où les discussions sont plus intimes. Nous assistons au mariage de l’une d’elle. Ghofrane, elle, a rompu ses fiançailles. Elle se veut libre, moderne, indépendante. Le portrait d’une génération.

La grande question débattues sans cesse tout autant avec les ami.e.s qu’avec la famille concerne les élections. Faut-il aller voter ? Pour Ghofrane il n’y a pas de doute à avoir. Mais tous autour d’elle ne sont pas convaincus. Elle essaie bien de les motiver pour qu’ils se rendent aux urnes, mais la résistance est grande. Chez les plus jeunes surtout, c’est le scepticisme qui domine. Et une certaine déception face à la politique. Qu’est-ce qui a changé depuis la révolution ?

Ghofrane ne sera pas élue députée. Son candidat ne sera pas qualifié au second tour de la présidentielle. Face à ces échecs, ces espoirs déçus, Ghofrane semble résignée. Elle ne va pas abandonner pour autant l’engagement politique, mais avec moins de fougue et d’enthousiasme. Elle va entreprendre des études de droit pour devenir si possible avocate. A l’évidence ses convictions restent intactes.

Le film de Raja Amari nous montre un pays qui se cherche, qui hésite entre la résignation et l’action. Comme partout la jeunesse s’interroge sur son avenir. Mais beaucoup ne voient pas comment ils pourraient le prendre en main. Les pesanteurs de la société ont-elles eu raison des promesses du printemps ?
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