Prisons en lutte.

Dans nos prisons, histoire d’une lutte. Lise Baron, 2022, 52 minutes.

Lise Baron s’était intéressée en 2018 aux militants gauchistes de l’après mai 68 dans son film Tous à l’usine. Elle y rencontrait ces étudiants maoïstes qui avaient mis en application leur principe idéologique de liaison avec la classe ouvrière. Concrètement, ils avaient essayé de devenir ouvrier, ce qui n’allait pas toujours de soi. Mais au moins n’avaient-ils plus le sentiment d’être coupés des masses et de rester de simples intellectuels petits bourgeois.

Dans son dernier film – Dans nos prisons, histoire d’une lutte – elle aborde le problème du monde carcéral à partir de l’engagement des militants de la Gauche Prolétarienne (GP) qui, ayant été arrêtés dans des manifestations, et incarcérés, ce qui les mettait en face de la réalité des conditions d’enfermement dans les prisons, une réalité totalement inconnue pour eux, et totalement inacceptable.

Le point de départ concret du film est la découverte des archives du GIP (Groupe d’Information sur les prisons, fondé en particulier par Michel Foucault dans la ligne de son livre sur l’Histoire de la folie. Ce groupe d’intellectuels militants allait devenir le moteur de la lutte pour faire évoluer les conditions de vie des prisonniers.

Suite à une grande enquête engagée clandestinement par le GIP, il apparaissait que la condition carcérale était tout à fait inhumaine, tout étant fait pour punir les prisonniers dans leur vie quotidienne, sans parler de cette institution d’un autre siècle qui a nom mitard.

Foucault n’apparait dans le film de Lise Baron que sur des photos, mais tous ceux avec qui elles s’entretient et qui racontent leur engagement d’alors, font référence à son action, faisant parfois allusion à la présence de Sartre et Deleuze à ses côtés. Avec Sartre, Foucault devient ainsi le modèle de ces intellectuels engagés et qui ne se contentaient plus de rester dans leur bureau pour écrire où devant leurs étudiants.

Les images d’archive les plus saisissantes que la cinéaste va utiliser sont celles des mutineries qui éclatent, à Toul puis Nancy pour les plus connues. Des prisonniers qui montent sur les toits de leur prison et qui mettent à sac leurs cellules. Des images fortes comme celles où les mutins bombardent avec les tuiles du toit les policiers rassemblés dans la cour.

Reste que le plus pertinent dans les archives du GIP, ce sont les lettres écrites par les prisonniers. Leur lecture, qui jalonne le film, montre concrètement les conditions de vie dans les prisons et nous comprenons mieux comment cette situation de plus en plus intolérable n’attendant qu’une étincelle pour exploser. Peut-on dire pour autant que c’est l’action du GIP qui mettra le feu aux poudres ?

Festival International du Film d’Histoire, Pessac 2022.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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