LETTRES DE PRISON

Nos horizons. Charlotte Cayeux, 2022, 45 minutes.

Une correspondance entre un couple. Une correspondance depuis la prison où il vient d’être enfermé. Une correspondance amoureuse. Des lettres d’amour mais en même temps les lettres de l’absence, de l’éloignement, du manque. Si l’on écrit à l’être aimé c’est bien, le plus souvent, parce qu’il n’est pas présent. Ici, la séparation est particulièrement douloureuse. L’éloignement n’entrainera-t-il pas la disparition de l’amour ?

C’est lui ; Ahmed, qui écrit, depuis sa cellule. Elle, Charlotte – la cinéaste – reçoit les lettres. Elle les lit dans le film en voix off. Elle lui répond mais laissera ces réponses en dehors du film, dans ce hors-champ, la vie de Charlotte qui entre en correspondance avec la vie d’Ahmed en prison, une vie derrière les barreaux que l’on ne verra pas non plus. Mais il ne sera question que de cela.

La vie en prison, c’est donc ce dont parle les lettres d’Ahmed. Comment supporter l’absence de liberté, la privation de liberté ? Comment vivre dans cet espace de la cellule, un espace si restreint qu’il n’a plus rien de spatial. Et la promiscuité ? A ce niveau, il n’y a pas de surprise dans le texte des lettres. Un texte qui en reste le plus souvent au côté matériel de la routine quotidienne, les habitudes qu’il faut prendre pour pouvoir survivre, vivre encore, attendre la libération, la fin de l’enfermement.

Si les lettres semblent éviter toute échappée dans les fantasmes, la vie imaginaire, elles évoquent pourtant des projets d’avenir, des projets de création, en particulier filmiques. La prison ne peut pas arrêter la vie, la création, comme elle ne peut pas mettre fin à l’amour. Dans ce qu’Ahmed écrit, tout dit qu’il y aura un après, un après la prison. Et celle-ci aura peut-être réussi à renforcer l’amour, à le révéler indestructible.

Et pourtant, l’enfermement, la séparation, est de plus en plus fort, renforcé, redoublé qu’il est par le covid. La pandémie implique un confinement au sein de l’enfermement carcéral. Ce confinement ne crée-t-il pas une prison pour tous ceux dont la vie est arrêtée, mise au point mort, en attente de reprise ?

Alors, faire un film pour traverser ce vide. Mais avec quelles images ? Surtout pas des images de mur, de barreaux, de grilles. Tout au contraire, des images de grands espaces, la mer et les plages de sable ou la lande sur la côte. Des plans fixes, longs, des vagues calmes, presque immobiles, silencieuses, mais à perte de vue, donnant accès à l’horizon. Une ligne de fuite pour échapper à l’enfermement.

Magie du cinéma : Ne jamais anéantir l’espérance.

Festival International du Film d’Education. Evreux 2022.

Par jean pierre Carrier

Auteur du DICTIONNAIRE DU CINEMA DOCUMENTAIRE éditions Vendémiaire mars 2016. jpcag.carrier@wanadoo.fr 06 40 13 87 83

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